Ces œuvres peuvent avoir été
sélectionnées en compétition, car la
sélection est un peu notre empreinte artistique. Mais
on ne peut pas non plus faire des soirées de 4 heures…
Donc on édite un catalogue où tous les films,
même ceux qui n’ont pas été retenus sont
signalés.
Dans notre sélection, nous allons dans le sens de l’esprit
de Visionaria : la qualité,
certes, mais surtout des idées. Ensuite, le jury donne
le prix de la critique et le public le prix du public, et
nous ne nous en mêlons pas.
Il y a quelques années, on avait présenté
un film, La Trappe, tourné en VHS, quasiment
en plan-séquence, avec un montage réduit au
minimum, et une qualité d’image assez mauvaise. Mais
l'idée était très chouette. Nous l’avons
donc sélectionné. Le jury l’a primé ensuite,
estimant qu’il avait plus de mérites que d’autres œuvres
techniquement supérieures. Donc nous partons toujours
de l’idée suivante : l’artistique est contenu
dans l’idée, et la compétence technique vient
ensuite. Il n’est pas rare que dans le comité de sélection,
quelqu’un demande l'âge d'un auteur, car cela joue
évidemment...
Objectif Cinéma : Y
a-t-il un " art de la sélection " ?
Duccio Barlucchi : Je
ne sais pas si la notion d’art est pertinente pour parler de
la sélection, mais Il y a un regard, une méthode
en quelque sorte. Le comité de sélection est composé
des gens de Visionaria, mais aussi des " amis "
de Visionaria, des gens compétents, invités
à faire partie du jury de la sélection. Nous voyons
les films par catégorie, puis quand chacun a pris ses
notes, nous en discutons, et cela prend du temps. On essaie
d’être très sérieux : tous les films sont
intégralement regardés, même si on voit
parfois très vite qu’ils ne sont pas bons.
Objectif
Cinéma : Quelles
sont les réactions des publics étrangers devant
les sélections de Visionaria, lorsque vous
êtes invité dans d’autres festivals ?
Duccio Barlucchi : Hier,
par exemple, j’ai eu des retours très intéressants,
venant de gens compétents : par exemple, un
monsieur qui s’occupe de l’animation depuis les années
40 (Serge Kornmann, membre du jury animation 2002, et ancien
secrétaire de l’AFCA, ndr), et qui a montré
son intérêt pour les films d’animation présentés.
C’est donc un test important, et l’auteur en sera informé.
Notre objectif est que Visionaria puisse faire circuler
les œuvres dans le but de recevoir de plus en plus de retours,
de relations avec les gens du public et du métier.
Objectif Cinéma :
Une catégorie de la compétition
est intrigante : " Comique et Démentiel ".
Duccio Barlucchi : A
Visionaria, nous avons toujours eu un amour pour
le comique. Et cette catégorie " Comique
et Démentiel " ne veut pas dire dément,
imbécile, mais signifie une simplicité réduite
à son terme le plus épuré.
Il y a un préjugé qui veut que si on est un
intellectuel ou un artiste engagé, on est très
sérieux. Le comique, l’ironie, sont toujours considérés
comme de la " série B ". Je ne
suis absolument pas d’accord : la capacité de
saisir avec un regard ironique la complexité des
choses est l’une des vertus les plus grandes et les remarquables
de l’intelligence humaine. L’ironie doit être une
flèche, un instrument de l'intellect. On peut faire
rire de soi, ou grâce à soi : dans le
premier cas, c’est parce qu’on est imbécile, ou que
l’on fait le con ; dans le deuxième cas, quand
je ris, c’est parce que l’autre a chuchoté mon intelligence
en utilisant la sienne.
L’analogie entre légèreté et superficialité
est fausse, tout comme l’est également celle qui
veut que " engagement " soit égal
à " pesanteur ", " lourdeur ".
On peut être profond tout en étant léger ;
et je dirais même que l’on ne peut parler de certaines
choses que si on les évoque par l’ironie, la métaphore
ou le paradoxe.