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Objectif Cinéma :
Vous avez tourné caméra à l’épaule.
Tout était très écrit ?
Jérôme Bonnell :
La caméra à l’épaule était très contrôlée, ce n’est pas une
caméra nerveuse. Elle est assumée. Mais heureusement que le
produit final ne correspond pas exactement à ce que j’avais
imaginé. En écrivant le scénario, j’avais chaque image en
tête, mais le travail du tournage et ensuite du montage ont
été très intéressants et enrichissants. Le tournage a été
très court, cinq semaines.
Objectif Cinéma :
Et la distribution ?
Jérôme Bonnell :
Il y a 6 copies à Paris et 25 en province, réparties sur des
salles indépendantes et d’autres plus importantes, comme UGC.
C’est bien.
Objectif Cinéma :
Revenons au côté artistique.
En ce qui concerne le personnage de Julien, on a l’impression
qu’il ne vient pas de nulle part, qu’un lien vous unit à lui,
sans parler directement d’autobiographie…
Jérôme Bonnell :
C’est vrai, malgré moi. Au début j’avais l’impression de raconter
une histoire, de la pure fiction, et puis quand j’ai fait
lire le scénario, on m’a dit " ce n’est pas possible, tu te
moques de nous, Julien c’est toi ". Donc je me suis rendu
compte qu’on n’était pas si loin l’un de l’autre. Ce qui m’a
d’ailleurs posé des problèmes par la suite pour trouver l’acteur
qui l’interpréterait.
Objectif Cinéma :
Vous ne vouliez pas l’interpréter ?
Jérôme Bonnell :
Nathalie Boutefeu m’a dit au début de le faire, mais non,
ça aurait été un peu vaniteux. Je n’ai pas été assez courageux.
J’aurai dû l’assumer peut-être, assumer ma vanité, mon nombrilisme.
Tout cela est très nombriliste, même si ça ne se voit pas.
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Objectif Cinéma :
Il y a une forte histoire de transmission dans votre film :
des parents vers les enfants, et puis une transmission purement
cinématographique, notamment avec Chaplin qui a une influence
sur le petit neveu, mais aussi sur Julien, inconsciemment.
Jérôme Bonnell :
Julien ne regarde pas trop Chaplin.
Il l’a sûrement regardé pendant son enfance,
alors il y est moins sensible maintenant. Je n’ai jamais dirigé
Hubert en pensant à Chaplin, ça aurait été
maladroit, mais c’est vrai qu’il a des expressions très
burlesques… Le Cirque est un de mes films préférés,
l’histoire me touche particulièrement, notamment les
rapports de Charlot et de la trapéziste. J’aimais l’idée
de mettre ce film au centre d’une famille qui ne communique
pas, avec ce deuil récent, même lorsqu’ils se
parlent. Evidemment, c’est un hommage, même s’il peut
paraître un peu maladroit. Mettre un film dans le film,
c’est toujours un peu dangereux.
En ce qui concerne la transmission,
elle n’existe pas réellement, puisque les parents et
les enfants ne se parlent presque pas, ils ne savent pas ce
qui se passe dans la vie de l’autre. Chacun a une soif terrible
de liberté, s’ils n’acceptent pas la liberté
de l’autre, ils meurent. Il n’y a pas une image du film qui
réunit à la fois le père, le fils et
la fille, à moins qu’il y ait un autre personnage avec
eux. C’est un hasard, je m’en suis rendu compte après
coup. Il y avait juste une image qui les réunissait,
mais j’ai coupé la scène au montage pour d’autres
raisons.
Objectif Cinéma :
On a d’ailleurs l’impression
d’images fugitives, de scènes furtives, de corps que l’on
voit mais qui disparaissent, de relations entre les corps
présents et les corps absents, notamment ceux de la mère qui
a disparue et d’Olga qui existe mais qui n’est pas à proprement
parlé présente…
Jérôme Bonnell :
Est-ce qu’elle existe, d’ailleurs, Olga ? La comédienne me
demandait des renseignements sur son personnage, mais je préférais
ne rien dire afin qu’elle garde ce statut un peu abstrait,
un peu icône, limite fantomatique en résonance avec la mère
disparue.
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