Objectif Cinéma :
Ça fait basculer le film dans
un univers un peu parallèle, à la limite du fantastique.
Jérôme Bonnell :
Vous trouvez ? Je pensais qu’il était au contraire très ancré
dans la vie, dans la réalité…
Objectif Cinéma :
La réalité, elle
arrive à la fin…
Jérôme Bonnell :
Il ne faut pas la raconter !
Objectif Cinéma :
On a l’impression d’un retour
aux sources avec votre film : les débuts du cinéma avec Chaplin
bien sûr, mais aussi grâce aux images simples, des effets
classiques, comme les reflets, les superpositions. Une simplicité
des situations, des émotions, et aussi des images, qui engendre
une grande force.
Jérôme Bonnell :
Je ne sais pas s’il y a un lien avec Chaplin. Les histoires
de Chaplin sont très simples, mais il en raconte énormément
sur l’époque, sur la vie sociale, sur l’humain, sur le nazisme,
le travail d’une chaîne… Il fait des portraits drôles, burlesques,
et en même temps tragiques. Ce que j’ai essayé de faire dans
mon film, c’est de raconter des choses graves derrière la
légèreté. Chaplin a un autre ton, il filme presque des fables.
Objectif Cinéma :
En tout cas, on a l’impression
tout au long du film d’un flottement un peu intemporel, avec
un air désuet, notamment grâce aux claquettes et à ces danseurs
dans des costumes incroyables…Un monde qui plaît beaucoup
à Julien, contrairement à la réalité.
Jérôme Bonnell :
Ils sont tous paumés. Je ne me suis pas posé la question de
cette façon, j’ai mis dans le film des choses qui me plaisent
vraiment. Au-delà de l’hommage à proprement parler, j’ai filmé
ce qui m’a plu. Les danseurs sont un peu des soldats de plomb,
entre le soldat et la majorette… Julien écoute, mais il n’a
pas vécu grand chose. Lorsque Alice lui raconte ses histoires,
il la console, mais il est un peu gauche. C’est son impudeur
qui le gêne. D’ailleurs il lui dit " Je ne suis pas ta meilleure
copine "…
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Objectif Cinéma :
Il vit dans son monde, avec
le fantasme de Olga, on a un peu l’impression qu’il vit sur
une île dans la campagne, juste reliée à la ville par une
grande route très plane et très droite.
Jérôme Bonnell :
J’adore la Beauce, c’est un endroit que je trouve très cinématographique,
il y a des ciels sublimes, il y a une espèce de clairvoyance,
on voit tout autour de soit.
Objectif Cinéma :
Mais en même temps on
peut s’y cacher, comme le père...
Jérôme Bonnell :
Lui aussi est déboussolé. Chaque personnage à sa manière cherche
l’amour. Je crois que l’on pourrait résumer le film par cette
phrase : c’est l’histoire d’une famille en deuil dont chacun
des membres cherche en secret l’amour.
Objectif Cinéma :
Oui, c’est d’ailleurs pleins
de petites anecdotes, notamment la semi-expérience homosexuelle
de la sœur…
Jérôme Bonnell :
Elle a une relation très fusionnelle avec le père. D’ailleurs
sa copine lui dit : l’homme de ta vie c’est ton père, en témoigne
la scène de ménage qu’elle lui fait.
Objectif Cinéma :
Il y a plein de petites scènes qui paraissent indépendantes
les unes des autres, d’où l’impression de fugacité…
Jérôme Bonnell :
Oui, il y a peu de liens dans la narration, ce que j’aime
bien, même s’il y a plein de maladresses liées à mon âge.
J’aime bien cette absence de liens par moments.
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