Objectif Cinéma
: Et, pour vous, votre muse,
c’est également votre mère ?
Iliana Lolic
: Disons, une source d’inspiration.
Objectif Cinéma
: Puisque nous évoquons
vos racines espagnoles, parlons plus particulièrement
d’une ville, Malaga.
Iliana Lolic
: La ville où a vécu ma mère... En fait,
je n’y ai jamais vécu. Ma mère y est retournée,
quand j’avais 13 ans, et y est restée jusqu’à
sa mort. C’est une partie de ma vie, parce que j’allais y
voir mes parents pour les vacances, mais la ville de mon enfance,
c’est Casablanca, où je suis née. Et c’était
merveilleux ! Je me souviens qu’à l’école j’avais
des petites camarades françaises et que je leur demandais :
" C’est comment la France ? "
Elles me répondaient : " En France,
il y a de l’herbe jusqu’au bord des routes. "
Ça m’avait marquée. D’abord, parce qu’il n’y
avait pas beaucoup de vert au Maroc ; ensuite et surtout,
parce que je ne comprenais pas qu’elles ressentent le besoin
d’aller en vacances en France. Je trouvais que le Maroc était
le pays le plus merveilleux du monde et qu’on n’avait pas
besoin de partir.
Objectif Cinéma
: Pourtant vous allez quitter
le Maroc, pour venir à Paris.
Iliana Lolic
: Oui, mais il faut dire que j’étais au lycée
français, baignée de littérature, et
que, comme pour beaucoup de personnes qui vivent dans des
pays d’Afrique francophone, il y avait le mythe de Paris.
Je voulais donc aller à la source de tout cela, pour
vivre une vie que j’aimerais, une vie faite de culture, mais
aussi de rencontres que je pourrais faire là-bas et
que je ne faisais pas à Casablanca. Et puis je voulais
être actrice, je voulais faire des choses qui pourraient
être belles. C’est la beauté qui me guidait,
la beauté de la vie que je souhaitais mener.
Objectif Cinéma
: Il me semble que vous n’avez
jamais fait de théâtre. Pourquoi ? La scène
est-elle un lieu où vous vous sentez moins à
l’aise qu’un plateau de tournage ? Iliana Lolic
: Non, je crois que c’est vraiment lié à l’enfance.
A Casablanca, je n’allais pas au théâtre, j’allais
au cinéma. J’allais seule au cinéma et je me
rappelle que j’en avais un peu honte. Je rentrais donc dans
la salle une fois le film commencé et la quittais juste
quand il finissait. On ne me voyait ni rentrer, ni sortir.
C’était comme un secret. Ça m’a marquée
et c’est donc l’image que j’ai recherchée en tant qu’actrice...
Sinon, dans tout ce que j’ai vu, c’est Harold et Maude
qui m’a le plus touchée. Si ma mémoire est bonne,
c’était l’histoire d’un petit garçon qui essayait
tout le temps de se tuer et qui finissait par rencontrer une
vieille dame, assez originale, dont il tombait fou amoureux.
Je crois que ça se finit de façon tragique.
Ils prennent la route… Je ne sais plus, mais je sais que ce
film m’a donné de l’espoir. Je ne pourrais pas dire
dans quelles choses, mais il m’a donné de l’espoir.
Par ailleurs, à la télévision, je voyais
des films avec Edward G. Robinson, que j’adorais. A chaque
fois, j’avais l’impression qu’il était sur le point
de pleurer, qu’il était extrêmement malheureux.
Pourtant, il a souvent joué des rôles de méchants !
Mais je ne sais pas, quand je le voyais, ça me troublait.
Peut-être, aussi, qu’il me rappelait mon père :
le visage rond, des lèvres très dessinées,
un peu charnues.
Objectif Cinéma
: Revenons à vous, actrice
au cinéma… Au cœur même de votre rareté
d’apparitions, il y a pourtant une étroite collaboration
avec Luc Moullet : à ce jour, vous avez tourné
ensemble 3 courts métrages et un long. Cette collaboration
doit avoir un caractère unique pour être si constante… Iliana Lolic
: Il faudrait poser la question à Luc, puisque c’est
lui qui me choisit.
Objectif Cinéma
: Certes, mais c’est vous qui
dites " oui ".
Iliana Lolic :
Bien sûr, parce que j’aime son cinéma, qui est
très particulier, très drôle aussi, et
en même temps dans une tradition du cinéma français
que j’aime bien.