Objectif Cinéma
: En passant, avec lui, d’une
adaptation d’une nouvelle d’Henry James (Le fantôme
de Longstaff) à une fantaisie montagnarde, ce sont
des personnages très différents que vous abordez.
Concrètement, comment les avez-vous travaillés ?
Iliana Lolic :
Ce n’est pas du tout la même chose. Sur Les naufragés,
c’est une amoureuse, très amusante à jouer,
parce que c’est une midinette. Ce n’est pas un rôle
romantique, contrairement à Longstaff. Les
naufragés, c’est plus dans la veine du cinéma
habituel de Luc, c’est-à-dire une suite de situations
extrêmes, où la psychologie, apparemment, joue
peu. Il suffit de jouer les scènes comme il les écrit
et de se laisser porter par le rôle. Ce n’est pas la
peine de faire des efforts démesurés pour trouver
un passé ou des blessures au personnage. On dit souvent
de Luc qu’il ne dirige pas ses acteurs, mais on n’en a souvent
pas besoin, parce que son écriture est si particulière
qu’il n’y a pas mille façons de le jouer. Tout au plus
une ou deux, mais les variations ne sont pas très importantes.
Le fantôme de Longstaff, par contre, me trouble
davantage. Peut-être parce que c’est un rôle où
il faut faire appel à sa mémoire sensitive et
qu’au niveau du jeu, j’ai plus de mal avec ça. Même
si pourtant j’étais à l’aise : j’avais
déjà tourné avec Luc et c’était
sur une durée assez courte. Mais l’histoire de cette
jeune femme qui refuse les avances d’un homme qui s’éprend
d’elle, puis à son tour meurt d’amour parce qu’elle
croit qu’il est mort, alors qu’il est bien vivant… en tout
cas qui meurt pour rien… pour moi, ça devient plus
sérieux. Pour le tournage de la scène de ma
mort, je me rappelle avoir passé la journée
couchée, avoir fait appel à ma mémoire
sensitive et avoir trop pleuré avant la prise. Bon,
après pendant la prise, c’était suffisant ;
mais ce jour où l’héroïne meurt, ça
m’a marquée.
Objectif Cinéma
: Dans quelles circonstances
vous êtes-vous rencontrés avec Luc Moullet ? Iliana Lolic
: C’était dans une fête. Je ne savais pas qui
il était et il ne savait pas qui j’étais. Evidemment
! Il m’a envoyé ses films et j’en ai trouvé
certains formidables. Ensuite on s’est vus régulièrement
et on a parlé cinéma. J’aime l’écouter
parler cinéma. Il en parle très bien et d’une
façon tout à fait impartiale, c’est-à-dire
sans que son propre travail influe ses goûts. Ça,
ça me plaît beaucoup : j’ai l’impression
qu’il est libre, libre dans l’univers du cinéma.
Objectif Cinéma :
Et c’est pour devenir plus
libre que vous décidez de passer à l’écriture…
Iliana Lolic :
Je n’ai rien décidé ! Je crois que les
choix importants, je les ai toujours faits inconsciemment.
Je me suis mise à l’écriture, parce que j’en
avais besoin, qu’il s’était passé quelque chose
de difficile dans ma vie, et qu’écrire une histoire
à ce propos-là était une nécessité.
Alors un jour, j’ai acheté un ordinateur, je me suis
enfermée chez moi et j’ai écrit une histoire.
C’est sorti sous la forme d’un scénario.
… A L’ECRITURE : LA SCENARISTE
Objectif Cinéma
: Le moment de l’écriture
dans le processus de création cinématographique,
que représente-t-il pour vous ?
Iliana Lolic
: Quand j’ai écrit mon premier scénario, je
n ‘ai pas pensé à l’image à proprement
parler. Ce qui comptait, pour moi, c’était plus la
vérité des personnages, l’histoire que je racontais
par leur bouche, les dialogues… C’est-à-dire que la
"colonne de gauche" existait moins : la description
d’une pièce, un personnage qui avance vers la caméra
ou en croise un autre, tout cela n’était pas extrêmement
détaillé. Je pensais plus à l’histoire
qu’au film.