Objectif Cinéma
: De mon point de vue, c’est
l’amour et sa quête qui sont au cœur de vos histoires ;
mais, d’un film à l’autre, vous semblez sans cesse
osciller entre tendresse maladroite et cynisme narcissique
de vos protagonistes. Pour vous, ce sont les deux seules attitudes
possibles en amour ?
Iliana Lolic
: Ah, je ne crois pas qu’il y ait du cynisme dans ce que j’écris !
J’ai plutôt l’impression que… J’ai du mal à expliquer
ce que je fais, je n’analyse pas. J’écris une histoire
qui me touche et ce qui me touche, c’est souvent la quête
d’un amour absolu, d’un paradis perdu, d’une chose révolue.
Ces choses-là m’inspirent. Dans ce que j’écris
pour l’instant, les personnages ont des idéaux difficilement
partageables et sont donc condamnés à une certaine
solitude, mais je ne pense pas qu’ils sont cyniques. Ils peuvent
être blessants, mais ils ne préméditent
rien. Leurs face-à-face sont spontanés, ils
parlent sans barrière, ils assènent ce qu’ils
disent de façon presque naïve. Parfois même
à leur insu ; mais jamais au mien en tout cas.
Objectif Cinéma
: Vous concernant, je crois
que l’on ne peut pas évoquer l’écriture de scénarios
sans parler de certaines rencontres marquantes : je pense
notamment à celle avec Gérard Brach, le scénariste,
entre autres, de Roman Polanski.
Iliana Lolic
: C’est vrai, mais avant Gérard Brach, il y a eu quelqu’un
d’autre qui s ‘appelle Michel Léviant. Il est
scénariste et metteur en scène et c’est lui
qui m’a poussé à écrire. Je tournais
un film avec lui, en tant qu’actrice, et à un moment
donné, il m’a dit : " Ecris une scène. "
Je lui ai dit que je ne savais pas écrire, alors il
m’a aidé. Il m’a appris sa méthode, qui consiste
à faire les scènes à haute voix, puisque
les dialogues sont destinés à être interprétés,
et j’ai commencé à écrire beaucoup. Il
a donc été le premier et après, il y
a eu Gérard Brach. C’est quelqu’un qui a cette qualité
merveilleuse des grands scénaristes, qui est de rentrer
dans la tête du metteur en scène et de lui restituer
son histoire en y apportant énormément, en allant
plus loin. C’est aussi quelqu’un qui, quand une chose ne lui
plaît pas, n’explique pas. Il dit : " Elle
n’est pas bien. ", et c’est tout. Ça
me correspond très bien. On n’a pas tellement besoin
de parler, mais quand nous le faisons, nos discussions sont
riches, équilibrées et nos deux esprits s’inspirent
mutuellement. En tout cas, moi, il m’inspire !
… A L’ECRAN : LA REALISATRICE
Objectif Cinéma :
Finalement, là où
vous n’auriez pu être que scénariste, vous décidez
de passer à la réalisation. Pourquoi ?
Iliana Lolic
: Parce que mes histoires, je les mène jusqu’au bout.
Un scénario que j’écris, ce n’est pas la phase
finale de ce que je suis en train de faire ; il faut
que ça arrive à un film.
Objectif Cinéma
: A ce jour, vous avez réalisé
deux courts métrages, Play et Comment tu
t’appelles ? Concrètement, qu’ont apporté
à la réalisatrice que vous êtes ces premières
expériences ?
Iliana Lolic :
Le premier court, je l’ai fait un peu à l’instinct.
Je n’avais aucune expérience, si ce n’est celle d’actrice,
et ce qui comptait, c’était de savoir si l’univers
qui est le mien ressortait en images. J’ai trouvé que
oui. Pour le second, j’ai fait les choses de façon
plus délibérée. Ce n’est pas tellement
la technique qui m’intéresse, c’est avant tout de diriger
les acteurs ; mais ça passe par un style et le
style c’est l’image. Pour ce second court, j’ai donc appris
ce vers quoi je voulais aller : comment passer d’une
histoire que j’ai écrite, que j’ai en tête, à
quelque chose de matériel, et faire en sorte qu’il
y ait le moins de différence possible et que, si différence
il y a, elle soit au-delà de ce que j’imaginais au
départ.