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Le Petit Poucet (c) D.R.

Objectif Cinéma : Le décor le plus important, et qui évolue avec l'action, est celui de la forêt.

Michel Barthélémy : La première forêt, relativement réaliste, s'assombrit pour devenir complètement abstraite, hachée et géométrique, en noir et blanc. En dehors de l'évolution stylistique, le décor devait être modifié pour varier les points de vue. Nous avons d'abord fait une simulation en 3D du décor sur le plateau (le plus grand de France, 4000m2), où devait être implanté en même temps le décor de la ferme. Ceci nous a permis d'optimiser les trajets des personnages, la hauteur des arbres, leur mobilité... et aussi de nous rendre compte aussi de ce qu'il ne fallait pas faire.

En ce qui concerne les arbres eux-mêmes, j'ai fait une impasse sur le feuillage, pour des raisons à la fois stylistiques et économiques. Nous avons donc construit en staff des grands troncs d'arbre qui n'avaient ni branches ni feuilles. Par contre, on a joué un tapis végétal très présent, au premier plan et second plan, une végétation basse facilement accessible et modifiable, puis à l'arrière, une masse de feuillage peint.

En plus des grands troncs qui étaient levés à la grue, nous avions une seconde série d'arbres sculptures, aux silhouettes stylisées, modulables, de vrais personnages qui changeaient de couleurs et d'implantation au fil des forêts.


Objectif Cinéma
: En dehors de la contribution du décorateur et de son équipe, il y a l'apport visuel du matte-painting numérique*.

Michel Barthélémy : Pour réaliser les mattes, Jean-Marie Vivès s'est basé sur nos ciels peints ou nos fonds qu'il a numérisé et retravaillé, ou encore sur son propre travail original et ses propres photos.

Il a travaillé à la manière d'un illustrateur, avec les outils du matte painter, en essayant de coller avec le côté stylisé du décor et d'éviter des effets hyperréalistes. Le principe était d'amener des touches classiques (effets de peintures, coups de pinceau) avec des moyens modernes (le numérique, qui évite de voir les couches s'additionner).

Il a ainsi retravaillé plusieurs fonds, comme ceux de la scène de bataille, du vol de l'ogre, ou de l'immense maquette de paysage qui apparaît dans les scènes de transitions.

Il y a eu un important travail numérique sur l'ensemble du film. Le négatif a été entièrement scanné (par le système Duboicolor) puis traité afin d'y intégrer les matte, la 3D, jusqu'à l'étalonnage final pour lier et homogénéiser l'ensemble, avant de revenir enfin au 35mm.

Je connais bien ces techniques grâce à la pub, où il arrive que des images additionnent décors construits, éléments tournés et images numériques. Sur un film comme Orangina, on atteignait parfois 30 couches successives !


  Le Petit Poucet (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ces nouvelles techniques, et l'arrivée d'un nouvel intervenant (les FX) sur l'image du film n'entraînent-elles pas une redéfinition du métier de décorateur ?

Michel Barthélémy : Pour un certain cinéma (films de genre, grand spectacle), la simulation 3D va être de plus en plus utilisée. Le décorateur de cinéma doit bien sûr connaître les techniques de post-production, sans pour autant savoir les maîtriser lui-même. Il devrait d'ailleurs faire le suivi du décor après le tournage. On peut imaginer que sur un certain nombre de sujets, le décorateur ait un droit de regard sur la suite du travail, mais il faut en convaincre les productions, car cela implique un coût supplémentaire. En France, seul Jean Rabasse a pu le faire sur Vidocq.

Sur Le petit poucet, Jean-Marie Vivès a retravaillé certaines images, les a interprété sans que je sois impliqué. Il y a eu bien sûr des discussions en amont et pendant le tournage, certaines décisions ont été prises en collaboration, mais lui a travaillé tranquillement en studio et mis sa patte personnelle.