Objectif Cinéma
: Avoir un droit de regard et
le contrôle sur le visuel du film, n'est-ce pas là
le rôle d'un directeur artistique, ou d'un production
designer à l'américaine, vers lequel évoluerait
le métier de décorateur ? Michel Barthélémy
: En France, il n'y a pas de directeur artistique, l'organisation
est différente. Cela dit, sur le film Blueberry,
qui est une production française avec participation américaine,
j’apparais comme production designer, assisté par trois
art directors (ici, on dirait décorateurs exécutants).
Par contre, je n'interviens pas du tout sur les costumes, comme
le ferait un directeur artistique. Et mon intervention sur la
post-production n'est pas, à ce jour, envisagée.
D'ailleurs, la direction artistique est parfois entre les mains
du réalisateur. C'est ce qui se passe en pub, quand il
valide l'image et les choix artistiques jusqu'à la phase
finale, et aussi avec des réalisateurs de long-métrages,
comme par exemple Ridley Scott ou Tim Burton.
Objectif Cinéma
: Votre expérience dans
le film publicitaire, souvent tourné en studio et dont
l'image est souvent stylisée, vous a-t-elle servi pour
aborder un projet comme Le petit Poucet ? Michel Barthélémy
: Jusqu'au milieu des années 90, j'ai beaucoup pratiqué
le studio grâce à la pub. J'y ai appris à
développer une intuition indispensable pour réagir
rapidement, acquérir une souplesse de travail, assurer
la bonne finition dans les temps donnés souvent très
courts.
Je n'ai pas vraiment de formation artistique. Disons que j'aimais
simplement dessiner et que je connaissais la menuiserie et
l’ébénisterie. J'ai d'abord été
le type même de l'assistant polyvalent, à qui
l'on confie par la suite des petits décors, en faisant
appel à son sens de la débrouille et du bricolage.
Surtout, j'ai eu la chance de travailler avec des gens à
la fois créatifs et exigeants, des réalisateurs
comme Jean-Baptiste Mondino, Christian Gandon, Jean-Paul Goude,
et des chefs opérateurs comme Darius Khondji ou Jean-Claude
Escoffier. Ils sont mes parrains dans ce métier. La
pub était alors dans sa grande époque, le début
et le milieu des années 80, c'était vraiment
un laboratoire d'expériences. Avec eux, et parfois
en même temps qu'eux, j'ai appris ce qu'était
le cinéma, l'optique, les lumières, les effets
spéciaux... et comment optimiser une grande exigence
artistique par une compétence technique.
Objectif Cinéma
: Cet apprentissage du décor
et du cinéma par la publicité ne rend-elle
pas difficile le passage au long-métrage ? Michel Barthélémy
: L'étiquette du décorateur de pub est assez
pénalisante pour le milieu du long-métrage,
du moins en France. Le monde du cinéma pense fermement
que les gens issus de la pub ne peuvent mettre ni sens,
ni émotion dans leur travail, il est vrai qu'une
argumentation peut installer cette idée.
En ce qui me concerne, j'ai toujours pensé faire
un jour de la fiction, et j'en ai fait de loin en loin,
comme avec Le bal du gouverneur. Disons que j'ai
patiemment attendu mon heure pendant une dizaine d'années.