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  Les Savates du Bon Dieu (c) D.R.
Objectif Cinéma : A quel moment exactement ?

Jean-Claude Brisseau : Avant qu’elles ne rentrent dans les bureaux. En gros, à ce moment là, les deux filles réapprenaient le désir sensuel sans être lesbiennes, à la limite du mysticisme. Avec des séquences de flash, dans l’esprit des films d’Alain Resnais ou de mon avant-dernier film Les Savates du Bon Dieu. Mademoiselle, je me suis fait chier pendant trois ans pour savoir comment filmer ça !


Objectif Cinéma : Coralie et Sabrina.

Jean-Claude Brisseau : Cela a été douloureux pour les filles avec qui j’ai fait des essais pendant pas mal de temps et qui n’ont pas été prises pour le film. Toujours est-il qu’à un moment, je tombe sur un double problème - je garde toujours un double casting au cas où. Et je fais des essais avec Coralie et une autre jeune femme en super 16 gonflé (format d’origine du film prévu). Les essais sont un désastre, alors que tout fonctionnait très bien entre les filles. Il y avait un problème technique lié au gonflage, au labo, et au grain entre autres, même si ce grain 16mm ne me gênait pas. J’avais une incertitude au niveau du labo et je ne pouvais pas savoir ce qu’on obtiendrait à l’arrivée. C’est une galère pour avoir la vérité dans le monde du cinéma. Il m’a fallu quinze jours. Et alors je réalise que pour obtenir l’image, il y a toujours un flou, plus exactement une incertitude, entre le passage du 16mm au 35mm. Au niveau strict du diaphragme, en couleurs, contrairement au noir et blanc où vous avez toute liberté de jouer sur le contrastes, on ne peut pas l’augmenter. La seule manière de pratiquer est alors de surexposer pour diminuer avant. C’est prendre de sacré risques. En plus, l’une des filles, qui avait fait les essais avec Coralie et dont se dégageait une poésie certaine, posait problème aux essais. Alors que j’étais tellement ébloui - car c’était ce que j’attendais depuis le début - je dis oui aux deux filles. Et là, je vois les essais. Je m’aperçois qu’elle a l’air d’avoir, à certains moments, trente-cinq ans voire trente-sept ans à l’image, alors qu’elle ne dégageait pas cette impression lors du tournage des essais. Cela me posait un problème, et j’en avais marre de faire des essais érotiques avec des filles, je pensais que le film ne se ferait jamais. Allez tant pis, je prends alors cette fille qui a l’air d’avoir 25 / 27ans, parfois beaucoup plus, et qui n’a jamais joué de sa vie, cela pouvait être intéressant. Les rapports avec Delacroix risquaient aussi d’être faussés. Mais du fait de cette poésie ressentie et vécue lors des essais avec Coralie, j’ai dit oui.

L'Ange noir (c) D.R.

Mais heureusement je n’ai pas été jusqu’au bout de mon erreur de casting. Sabrina est arrivée deux semaines avant le début du tournage. A la campagne pendant l’écriture du scénario, je regardais la télévision le matin sur M6, entre 9h et 10h et j’ai découvert tout un tas d’émissions hallucinantes sur les conseils de beauté et d’esthétique pour les nanas. Tous ces trucs à acheter et qu’elles peuvent se faire. Que ce soit au front, les piqûres pour les rides, les lèvres. Je ne savais pas que la société culpabilisait à ce point là les nénettes sur leurs âges et physiques ! Alors que c’est ridicule ! En tant qu’homme, j’ai vu des filles beaucoup plus troublantes par leur présence érotique et non pas par leur plastique. J’ai vu des filles grassouillettes, boulottes qui étaient autrement plus troublantes que des femmes parfaitement bien foutues. C’est leur comportement devant la sexualité et le plaisir qui m’intéressent. Excusez-moi d’être au raz des pâquerettes, mais elles me faisaient moins bander, alors que je n’avais rien à secouer des autres ! Et j’en ai vu des nénettes ! Dans un film aussi risqué artistiquement que celui-ci, où l’on n’a pas les moyens de rectifier ou d’améliorer des défauts, il me fallait vraiment des filles avec qui tout fonctionnerait. Par exemple, pour L’Ange Noir, Sylvie Vartan a une cicatrice qui lui barre le visage, vous ne la voyez pas, car on avait les moyens de la dissimuler par des éclairages particuliers.

Je me suis rendu compte à partir de ce jour là qu’il fallait que je prenne des filles qui résistent à toutes les conditions de photogénie. Alors qu’en près de huit ans, j’ai vu quinze filles.