Objectif Cinéma :
Sabrina Séyvécou, qui
interprète le rôle central de Sandrine est extraordinaire.
Elle change de corps et d’identité plusieurs fois durant
tout le film. Son jeu est à la fois emprunt de naturalisme
et de force. Elle me rappelle une autre comédienne,
de la même trempe, Sandrine Bonnaire. C’est une véritable
révélation. Comment est-elle venue sur le film
?
Jean-Claude Brisseau :
Tout le monde me dit ça ! Elle est douée pour
le cinéma. Elle a été choisie seulement
trois semaines avant le tournage. Mon problème était
de trouver quelqu’un qui avait l’air érotique et troublant
sans porter le sexe sur son visage devant un écran,
et qui le ferait jusqu’au bout. Quitte à jouer la comédie,
comme pour la séquence où elle jouit en se caressant,
ou simule. On ne sait pas.
Objectif
Cinéma : Mais
vous, Jean-Claude, vous le savez.
Jean-Claude Brisseau :
Il y a des choses que je sais et d’autres non. Ce que je
sais, c’est que j’aurais aimé aller beaucoup plus
loin dans un certain nombre de choses, mais ça c’est
un autre problème. Dans ce contexte, c’était
difficile. Concernant Sabrina, elle a fait deux essais.
Un où elle était bien, et un autre où
je lui ai refait faire les essais où elle était
réellement troublante. J’ai pris la décision
de la prendre et je l’ai faite travailler durant une semaine
pour le tournage. Elle a ajouté des trucs qui ne
viennent pas de moi. Prenez Vanessa (Vanessa Paradis
pour Noces Blanches) que je trouve très bien
dans mon film, même si je pense qu’elle aurait pu
être encore mieux. Elle est vraiment douée
pour le cinéma, mais elle n’a pas apporté
des trucs qui venaient d’elle-même. Alors que la petite
Sabrina, oui. Et je l’ai laissé aller. Quand les
comédiens sont dans la ligne, je les laisse faire.
S’ils ne sont pas bien, je les empêche. Jamais je
ne laisserais un comédien, et surtout une comédienne,
être ridicule devant la caméra. Si la scène
est ridicule, c’est la scène, et c’est moi, mais
pas le comédien. Du moins, je l’espère. Et
je fais tout pour ça. Sabrina, j’ai eu du bol de
tomber sur elle ! Vous comprenez ce que ça veut dire
" trois semaines avant le tournage "
? Je me suis retrouvé dans une situation de désastre
trois semaines avant le début du tournage ! Sabrina
devait jouer le rôle de la sœur de Christophe, c’est
une assistante qui a déniché son agent.
DE LA JOUISSANCE
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Objectif
Cinéma : Pourquoi
cette histoire ?
Jean-Claude Brisseau :
La jouissance des femmes m’intrigue. En profondeur le sujet
du film, ce sont les leurres. Le plaisir éprouvé
hors amour, je ne le connais pas. Il m’est arrivé
quelque fois dans ma vie de me trouver devant une jouissance
proche du mysticisme, plus pour les femmes que pour moi-même.
Vous le savez, votre jouissance est plus complexe. Qu’une
femme puisse dire ne pas savoir si elle jouit ou ne jouit
pas me rend très perplexe. Homme, on ne peut dire
pas ça. Ne serait-ce que, parce qu’on est en érection
ou l’on ne l’est pas ! On peut voir que vous êtes
mouillée ou pas, mais pour la jouissance, on ne sait
pas. Que d’autre part, la jouissance vaginale par pénétration,
vous ne l’avez pas spontanément immédiatement.
Corrigez-moi si je dis une sottise. Il y a même des
filles qui m’ont avoué ne pas connaître la
jouissance par caresse du clitoris. Je me disais qu’on se
foutait de moi, car les filles apprennent ça dès
l’enfance. Elles l’ont, mais n’osent pas l’avouer. Par contre,
l’autre jouissance se construit, et j’ai rencontré
des filles qui ne la connaissaient pas. Elles n’ont jamais
joui de leurs vies ! Mais par contre, portées par
amour ou par tout ce que vous voudrez, parfois et pas toujours,
leur pouvoir de jouissance est beaucoup plus fort que le
nôtre. Le film s’organise sur le pouvoir que l’on
peut avoir à partir de la jouissance et du sexe.
Au fond, celles qui sont maîtresses de ces questions
ne sont pas obligées de jouir…