Objectif
Cinéma :
Il y a
une scène sexuelle assez insupportable dans le film,
lorsque Sandrine est emmenée de force dans les caves
du château lors de la grande scène de partouze.
Il y a deux registres sexuels : en haut, du château
et de l’échelle sociale, le cul luxurieux et d’esthète,
et en bas, dans les souterrains le cul crasseux et pouilleux.
Et de tous ces corps remplissant tout le cadre de l’écran,
se dégage un sentiment de vide assez terrible.
Jean-Claude Brisseau :
En haut, ils baisent raffiné, et en bas c’est du sordide.
Sur ce terrain là, le sujet du film est le vide. Un
jour, un ami m’a dit que le sujet de tous mes films, c’était
le paradis perdu. Ce n’est pas faux. Au centre de la vie,
il y a la découverte des leurres, et cette idée
ne vient pas seulement de moi. On est en train de courir derrière
le vide. Il n’y a rien. D’un point de vue dramatique, j’avais
un problème avec cette séquence, qui n’est pas
destinée à renvoyer au désir. Christophe
déclare à Sandrine, qu’il vient juste d’épouser :
"
regarde ce magnifique symbole de l’existence humaine
", puis il récite un texte de la Bhagavad Gîta
(7), un texte hindou mystique, qui est l’équivalent
de la Bible. Voilà le principe : il va y avoir une
bataille, et les gens d’une même famille sont dans deux
camps différents. Le héros Arjuna (8) est dans
le camp du plus faible, et il ne sait pas qu’il a à
coté de lui, sur son char, le dieu incarné Krisna.
Il passe devant les deux camps avec son char, et il dit à
un moment "
en face de moi il y a ma famille, on m’a
appris qu’il était mal de tuer les gens de sa famille
et je ne cherche ni le pouvoir ni la gloire. A quoi sert de
tuer ma famille ? ". Et le dieu incarné lui
répond, - bon je caricature avec mon vocabulaire -
"
des clous, mon cul, la vérité c’est
que tu as la trouille et tu te trouves des justifications
morales pour ne pas faire ce que tu dois faire. De toute façon,
tu ne crois pas que si tu es là c’est à cause
de toi. C’est moi, le dieu incarné, qui prend les décisions.
De toute façon, ni toi ni moi, ni tous ces rois n’avons
jamais existé, mais en même temps, existons à
tout jamais. " Le sujet du film, c’est Christophe,
qui se pose toutes ces questions.
Objectif Cinéma :
Christophe me faisait penser au
jeune adolescent aboulique Bruno, De bruit et de fureur
(Vincent Gasperitsch impressionnant dans son jeu tout en
ralentis) qui vit pratiquement sans sa mère.
Jean-Claude Brisseau :
C’est évident. Mais il vient aussi d’autres personnages
du cinéma et de la littérature, notamment celle
du libertinage.
Objectif Cinéma :
Nathalie le personnage qu’interprète Coralie me semble
très proche de vous.
Jean-Claude Brisseau :
C’est moi ! Et en même temps non, car je ne m’identifie
jamais à mes personnages. Ce qui est renversant, c’est
que Michel Ciment, que j’ai vu hier à une émission,
m’a dit " est-ce que vous réalisez que Coralie
parle comme vous lors d’une scène clé ? "