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Darren Aronofsky (c) D.R.
Objectif Cinéma : Le prix que vous y avez reçu a t-ils changé quelque chose ?

Darren Aronofsky : Pas vraiment, parce que tous les bénéfices sont allés aux investisseurs donc je pense que c'est plutôt leur vie qui a changé. Pour moi, ça m'a permis de faire d'autres films et c'était le but.


Objectif Cinéma : Est-ce un avantage aujourd'hui d'avoir l'étiquette de réalisateur indépendant ?

Darren Aronofsky : Je pense que les films indépendants sont en position de force aujourd'hui. Je suis intéressé de travailler à Hollywood en tant que réalisateur indépendant avec des fonds européens car ce qui est intéressant, quand on travaille avec des européens, c'est qu'il vous donne une liberté de création. Et le plus dur à Hollywood, c'est d'obtenir cette liberté et de pouvoir faire le film que vous désirez. Lorsque j'essaie de mettre en place des projets avec Hollywood où je pourrais faire des films, je vois que je ne pourrais pas faire de films originaux.

Objectif Cinéma : Quelles sont vos influences ?

Darren Aronofsky : Personnellement, je pense que ma première influence est Bill Cosby, un véritable "story-teller ". C'est aussi ce que je fais : raconter une histoire. Quelques unes de ses anciennes comédies sont incroyables. Si vous trouvez un de ses anciens, pas ce qu'il fait aujourd'hui, vous verrez qu'il est un excellent story-teller. Je ne me lasse pas de les écouter. J'ai beaucoup appris sur la construction d'une histoire à proprement dit par lui, Bill Cosby. Mais d'autres réalisateurs m'ont influencés. J'ai commencé par les films de Spike Lee parce que je suis originaire de Brooklyn et que ses films y étaient projetés, je les ai vus par accident. Et un jour alors que j’allais voir Rocky IV la séance était complète, alors je suis allé voir Blow me away, qui m'a beaucoup marqué. On peut faire tellement de choses folles avec un film. Ensuite, vient Godard, Fellini et Kurosawa. Kurosawa reste ma plus grande influence. Je l'adore. Je trouve qu'il fait des films merveilleux et parfaits. Mais pour Pi en particulier, il y a un réalisateur japonais, Shinya Tsukamoto, qui a réalisé Tetsuo : The Iron Man, il a fait le premier film cyber punk dans le monde, avec Cronenberg aussi. Michael fait ses films à New York, ce qui est différent d'un cyber-punk réalisé à Paris, mais j'espère qu'il y en aura. Je trouve ce genre très excitant, un mixte entre la SF et la réalité. Polanski aussi, dont ses films sont des maîtres de subjectivité. Nous avons étudié son film Répulsion, et nous avons essayé de créer une sorte de folie par un film subjectif : à la manière de Répulsion, nous avons fait un film du point de vue du cerveau de Max Cohen.


  PI (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous dîtes que le film prend place dans l'esprit de Max ?

Darren Aronofsky : Complètement. On a crée des règle s parce que c'est le film que nous voulions faire. Nous ne voulions pas que se soit une sorte de crème hollywoodienne avec ce genre de langage cinématographique. On souhaitait rester dans la tête de Max donc nous l'avons appliqué à tous les règles du langage du film. Par exemple on ne pouvait que couper, filmer par dessus l'épaule de Max parce que nous avions besoin de ce point de vue. Nous avons filmé Max à partir d'un angle afin de rendre ça très subjectif, pour que le spectateur sente que c'était bien la vision de Max. Donc nous avons fait tout cela. Dans la scène de la migraine par exemple nous voulions que le spectateur ait ce mal de tête avec Max.

Objectif Cinéma : Pour cela, vous avez utilisé beaucoup de gros plans...

Darren Aronofsky : Oui, quand vous communiquez avec moi vous vous concentrez sur mes yeux ou ma bouche et la caméra se trouvera ici (Darren Aronofsky montre alors avec un cadre figuré par ses mains la trajectoire de mes yeux jusqu'à son visage, pour montrer ce que voit l'oeil, la focale réelle en quelque sorte - ndlr).

L'objectivité n'existe pas réellement, je le sais. Je regarde aussi et lorsque je vous regarde je fixe vos yeux, c'est la réalité de la communication. Donc nous avons essayé de reproduire ça. Et aussi parce que nous utilisons un style si abstrait que les images semblent si bizarre. Je pense que montrer les choses de manière très techniques, en utilisant de nombreux gros plans, avec autant d'images, peut aider à créer une meilleure réalité juste avec un bon plan.

L'opposé d'un film comme Pi pourrait être un film de Jim Jarmusch, Stranger than Paradise. Son film est plein d'objectivité. Il place la caméra dans un coin de la pièce et compose tout son film dans cette seule pièce. C'est presque comme une scène ou un show. Tous ses plans sont comme ça. Pour Pi, nous voulions entrer dans l'action, dans la subjectivité.