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  Chantier de la mémoire (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quelles sont les conditions d’acceptation d’une demande ?

Bernard Bénoliel : Il faut tout d’abord l’accord de l’ayant droit. Les films déposés à la Cinémathèque, à part quelques-uns dont on a acquis les droits, sont simplement pris en stock, mais nous ne les possédons pas : c’est le principe du dépôt. Si on veut les faire voyager à l’extérieur, ce doit être dans leur cadre juridique, et le cadre juridique, c’est l’accord de l’ayant droit.

Ensuite, c’est l’impératif de la projection unique : nous sommes une archive de film, nous existons pour que les copies vivent, durent. Toute projection, même si elle se déroule idéalement bien, est une usure, même invisible. Nous sommes là aussi pour protéger la vie des copies, c’est pourquoi nous imposons la projection unique, surtout aux festivals, un peu moins avec les cinémathèques parce qu’il y a avec elles une notion d’échange et de troc.

Les autres conditions sont des conditions de projection : quand on ne connaît pas le festival demandeur, il doit nous donner des assurances sur ses conditions de projection. Idéalement, on cherche à ce que les projections aient lieu sur double plateau dans les cabines, ce qui évite aux projectionnistes de monter les bobines entre elles, d’enlever les amorces et de couper des images, etc. Mais cela n’existe quasiment plus, puisque tout le monde maintenant est sur plateau unique. Donc on leur demande expressément, à l’oral, à l’écrit, de remettre les amorces, de ne pas couper les images, de remettre les noyaux, de nous rendre les films comme ils les ont trouvés…


Objectif Cinéma : Et à l’usage, tout se passe bien ?

Bernard Bénoliel : Il n’y a pas de catastrophe majeure. Mais il y a encore quinze jours, j’ai écrit à un festival pour leur dire qu’on ne travaillerait plus ensemble, parce que les copies sont revenues sans les noyaux, avec les amorces dans les boîtes… Il arrive que ces problèmes arrivent dans le cadre de festivals avec qui nous avons des relations plus fouillées, je demande alors aux responsables de ces festivals, de faire attention pour l’année suivante et de briefer les projectionnistes.

A Belfort, j’ai rassemblé tous les projectionnistes avant le festival, pour leur présenter le programme (je trouve qu’on procède mieux quand on sait ce qu’on projette) et pour leur demander de rendre les copies telles qu’ils les ont trouvées.

Sinon, les autres conditions comprennent une assurance pour la copie et des frais de sortie à régler à la Cinémathèque Française, qui tiennent compte de la restauration, du stockage, de la manutention, de la recherche et de la vérification - puisque les copies sont vérifiées avant envoi et vérifiées au retour.


La Guerre du feu (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment se tenir dans l’ambiguité du " culturel " et du " commercial " ?

Bernard Benoliel : La Cinémathèque a pour vocation - et droit - de ne pas empiéter sur le secteur commercial. Le secteur commercial est régi par les ayants-droits, les distributeurs. Nous intervenons dans le non-commercial : associations, manifestations culturelles, cinémathèques… A la rigueur je ne parlerais même pas des ciné-clubs, puisqu’ils s’adressent à priori à leur fédération (InterFilms) qui les fournit en copies 16mm, 35, pour leurs programmations. Nous intervenons toujours après l’ayant droit, et après le distributeur s’il a une copie : nous intervenons toujours en dernier recours, mais ne nous substituons jamais à ceux qui juridiquement sont là pour assurer la circulation du patrimoine. Il faut dire que la Diffusion culturelle est une vocation assez récente de la Cinémathèque : c’est une politique d’ouverture, qui prouve bien qu’on cache moins de choses que les gens ne le pensent … Je me souviens avoir lu un article hilarant de Langlois, où il disait : " La pédagogie ? Non, non, ça ne sert à rien, il ne faut pas en faire. Montrer les films à l’extérieur ? Non, non, non, ça c’est nul, faut pas en faire … ". Autrement dit, tous les départements actuels de la Cinémathèque Française auraient reçu un " non,non,non" de la part de Langlois… Donc ça dit bien comment les choses ont évoluées : pour Henri Langlois, la Diffusion culturelle, cela consistait à se mettre d’accord avec Freddy Buache (ex-directeur de la Cinémathèque suisse, ndr) pour lui passer une copie de la main à la main. C’était ça, une relation entre cinémathèques ; ou alors, pour le Festival de Cannes, Henri Langlois faisait un montage de quelques films Lumière qu’il allait montrer… La Diffusion culturelle sous Langlois était personnalisée. Les films n’étaient diffusés qu’avec un " bodyguard " en fait. (rires)