Objectif Cinéma :
Mais vous avez tiré parti de la simultanéité
des deux forums car celle-ci ne venait pas de vous :
ce sont les organisateurs de Porto Alegre qui symboliquement
ont décidé que le forum social se déroulerait
aux mêmes dates que le forum de Davos. Vous avez pris
cette décision au pied de la lettre. Vincent Glenn :
On est parti avec nos outils vidéographiques : caméra,
micros etc. On est allé voir sur place mais effectivement,
l’initiative de cette manifestation, avec sa symbolique, ne
venait pas de nous mais des organisateurs de Porto Alegre. La
difficulté, c’est de filmer une rencontre à Porto
Alegre, pendant cinq jours, avec plusieurs centaines de débats,
d’ateliers, de conférences, et la même chose à
Davos.
Au fond c’est quoi l’actualité ? Le film sort en
janvier 2003, il a été diffusé sous une
forme inachevée en mai 2001, et le tournage a eu lieu
en janvier 2001. Alors ma logique est la suivante : comment
sortir d’un impératif d’actualité. J’oppose à
cette notion la notion d’information, qui suppose une mise en
forme, comme le dit Passet dans le film, une écriture,
une analyse et une durée. Donc on était en plein
dedans. La démarche était : allons voir ce
qui se passe, sous la forme d’un repérage filmé.
Mais on ne sait pas ce qui va se passer. En revanche, on avait
l’arrière pensée formelle qu’on allait se trouver
en face d’une confrontation, où les argument n’allaient
pas être les mêmes, les gens, les couleurs, les
sons. Donc ça nous donnait une sorte d’intuition pour
le montage ; Il y avait bien initialement une confrontation
et notre problème était : comment filmer
ça ?
Objectif Cinéma :
Pour rester dans les questions de cinéma, je me suis
dit au départ qu’il y avait dans votre film l’ambition
d’établir une sorte de vaste champ contre-champ mais
le film semble plutôt construit selon la logique du
montage parallèle, ce qui donne l’impression de deux
droites parallèles qui ne se rencontrent jamais.
Vincent Glenn :
Oui, c’est l’idée du " pendant ce temps,
il y a ça, il se passe ça ". Pendant
que l’un est in, l’autre est off. Pour filmer une scène
de suspense, c’est beaucoup plus efficace de filmer à
côté d’une scène de meurtre, de ne pas
le montrer…
Objectif Cinéma :
Aviez-vous clairement adopté
ce parti pris formel de construction ? Car il donne
réellement sa forme, son rythme à votre film.
Vincent Glenn :
On n’avait pas vraiment de parti pris formel au début,
au-delà de nos intuitions. On était simplement
en repérages. Donc la forme est venue clairement
d’un travail de montage. La difficulté, c’était de
mettre en film deux lieux qui étaient deux lieux
de paroles. A priori, il n’y a pas plus anti-cinématographique.
On ne voulait pas faire quelque chose d’ennuyeux, de trop
bavard. Comment faire ? alors là, évidemment,
il y a eu un travail d’écriture de montage. On sous-estime,
surtout en documentaire, le fait que l’écriture du
film a lieu avant, pendant et après le tournage.
Simplement ce travail d’écriture s’accompagne en
permanence de l’imprévisible, contrairement au film
de fiction traditionnel qui en général applique
un scénario.