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  Image d'actualité - Porto Alegre (c) D.R.
Objectif Cinéma : Ce qui est fort dans le film, c’est qu’à Davos, on filme l’impossibilité d’une rencontre, d’un dialogue.  La rencontre ne se fait qu’à travers un écran de télévision, que vous filmez. C’est ironique car une intervenante de Davos parle alors d’une volonté de dialogue et d’inclusion.

Vincent Glenn : Ca on ne l’avait pas prévu. C’était eux (à Davos) qui nous imposaient cet écran. Puisqu’on ne pouvait pas rentrer.


Objectif Cinéma : A côté du parallélisme, il y a une autre figure que vous utilisez : celle du contraste.

Vincent Glenn : Je voudrais revenir sur l’idée des deux droites qui ne se rejoignent pas. A priori, on n’y pensait pas. A posteriori, plutôt que l’opposition " chaud et froid ", je pensais à l’opposition " Europe vieillissante et continents émergents " ; deuxième chose : quel type d’utopie démocratique met-on en avant ? pour moi, Porto Alegre porte cette idée que tous les citoyens doivent se prendre en charge, se préoccuper de politique plutôt que l’inverse, tandis qu’à Davos, on reste avec une vision très hiérarchisée de la société : il y a les maîtres, il y a les disciples et il y a les esclaves, qui sont les plus nombreux. Pour moi, c’est plus un ordre féodal qu’un ordre néo-libéral.


Image d'actualité - Davos (c) D.R.
Objectif Cinéma : Le film soulève aussi la dichotomie entre l’expertise des maîtres à Davos et la non expertise des citoyens de Porto Alegre qui manifestent l’envie de se réapproprier le savoir, de la partager.

Vincent Glenn : Oui, c’est tout à fait juste. A mon avis, il y a autant d’experts à Davos qu’à porto Alegre.

Christopher Ygddre : Le problème par rapport à l’expertise, c’est le rapport collectif et culturel à elle. Dans le système actuel, le politique va se réfugier derrière la figure de l’expert pour dire : voici ce qui est possible et ce qui n’est pas possible. Isabelle Stengers, la philosophe des sciences, en parle très bien. Elle dit donc que le politique a recours a l’expert pour justifier des décisions politiques, voire les naturaliser. Par contre, il y a un phénomène relativement récent, c’est que par rapport à cette puissance de la figure de l’expert, qui occupe un peu partout la première place dans les médias etc, il y a tout un tas de gens, non légitimés par les diplômes - c’est à dire par le jeu habituel des légitimations - qui ont su s’approprier des savoirs parfois très spécialisés, développer des contre-expertises, des gens comme la confédération paysanne, Act-up. Certains déclassent même, par les compétences acquises par eux-mêmes, certains spécialistes reconnus. Ce phénomène est en train de se produire et il inquiète beaucoup. Sur la question de l’A.M.I. (l’accord multilatéral sur l’investissement) par exemple, s’il n’y avait pas eu ces gens qui avaient planché des jours et des nuits pour décrypter les conséquences de cet accord - des gens qui n’étaient pas tous forcément économistes - le truc serait sans doute passé. Ce qui est étonnant, c’est que ces gens étaient presque plus " experts " que ceux qui avaient rédigé l’A.M.I. On assiste en ce moment à un déclassement des experts par tous ceux qui ont développé des contre-expertises.