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Objectif Cinéma : Le fil conducteur de votre récit est cette histoire d'amour entre Chiyoko et le rebelle ; tous ses films poursuivent ce thème, " le plaisir de vouloir le retrouver ". Très rapidement, vous intégrez la présence de Tachibana et Ida dans les flash-back de Chiyoko : dans ceux de sa vie privée, et ceux de ses tournages. Est-ce parce que Tachibana est celui qui tient vraiment la clé, qui connaît la vérité ?

Satoshi Kon : (Toute la boite Madhouse se tait, puis rires surpris). Alors là, vous me faites très très plaisir. Oui, bien sûr, tous les films de Chiyoko ont ce thème des retrouvailles. Mais ce que vous me dites à propos de Tachibana, qui détient la clé de l'énigme (c'est-à-dire l'objet, la clé que lui a offert le rebelle en guise de souvenir, et le fait que Tachibana soit le seul a connaître le sort de ce résistant), je n'y avais jamais pensé, c'est une analyse très intéressante. J'aimerais m'en servir dorénavant pour les prochains entretiens ! C'est fascinant de découvrir d'autres regards sur ces personnages.


  Chiyoko Millenial Actress (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous avez fait appel à des graphistes chinois, je crois, pour certaines parties du film. Lesquelles et pourquoi ?

Satoshi Kon : (toujours des rires) Par contre là, vous faites fausse route ! Il n'y avait pas de graphistes chinois, où avez-vous lu cela ?


Objectif Cinéma : Dans un magazine en France.

Satoshi Kon : (éclats de rires généraux). Vous savez, j'étais en France l'année dernière, au Forum des Images, pour un festival d'animation. J'ai dû faire onze entretiens, au cours desquels on me posait des questions vraiment étranges, faites a partir d'infos approximatives sur des sites web, où l'on confond, semble-t-il, plusieurs réalisateurs. Par exemple, on m'a interrogé, je ne sais combien de fois, sur des films qu'Otomo avait réalisés ou qu'il allait réaliser... Donc ca va, je comprends cette erreur... Cependant la Chine est très présente au début du film, pour le début de carrière de Chiyoko en Manchourie, ce rebelle qui fuit à Shanghai. Pour la musique, je voulais que l'Asie traverse le film, des sons, des mélodies de ce continent. La chanson du début est interprétée par une Thaïlandaise.


Objectif Cinéma : Votre iconographie des styles d'images du Japon est extraordinaire : les images de propagande, des tableaux style Hokusai, la reproduction des affiches de cinéma, des dessins qui évoquent Candy, Lady Oscar, ce noir et blanc nostalgique... Aviez-vous une équipe de plusieurs personnes pour faire toutes ces recherches visuelles ?

Satoshi Kon : Non, comme je vous le disais, j'ai une petite équipe qui a beaucoup travaillé ! Cependant, il est de plus en plus difficile de trouver en librairie des ouvrages sur la peinture japonaise à travers l'histoire. Les éditeurs réduisent les tirages, ou ne font plus de réimpressions. Il faut se rendre en bibliothèque. Ces recherches ont ainsi contribué à mon renouveau d'intérêt pour la culture japonaise. Je voulais que l'esthétique, le graphisme du film témoignent de cela, je ne souhaitais pas du tout faire un film d'images commerciales. J'espérais atteindre, quelque part, une identité japonaise à travers le graphisme.


Chiyoko Millenial Actress (c) D.R.

Objectif Cinéma : Votre mise en scène dans ce film s'appuie sur le montage pour raconter l'histoire. Travaillez-vous de près avec les monteurs ? J'ai beaucoup aimé la séquence un peu Keystone Cops, quand Chiyoko se précipite à la gare du train, ou celle à cheval, lorsqu'elle traverse toutes les époques. Certains raccords sont très réussis : par exemple, au début, lorsque Tachibana dit que Chiyoko ne vieillira jamais et qu’on passe cut à la vieille femme de ménage qui ouvre la porte de la maison.

Satoshi Kon : (S.Kon se lève à nouveau et revient avec le découpage / storyboard du film, le script technique). Comme vous savez, en animation, tout doit être prévu, réfléchi à l'avance, les effets de mouvements de caméra, quel type, quels effets de montage nous voulons obtenir. Vous pouvez voir ici, dans ce découpage, que tout était prévu. La structure était un peu complexe, or nous ne voulions pas que le public se sente perdu. Le montage était pour nous le moyen idéal pour que les spectateurs puissent s'accrocher au film. Quant au travail avec les monteurs, c'était plutôt pour ajuster ici et là, sur la durée, mais nous savions déjà à quoi allait ressembler le film, bien entendu. Je dois admettre ne pas avoir pensé consciemment au cinéma muet pendant la séquence où Chiyoko coure vers la gare, en fait, je ne vois pas très bien ce que sont les Keystone Cops (rires...). Le raccord s'est donc imposé comme figure de montage, pour nous ramener à la narration de Chiyoko, sur son canapé, face à Tachibana.