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Rachida (c) D.R.
Djilali Boudjemaa : Les jeunes filles découvrent le cinéma en ce moment. Il y a eu à Mostaganem (Ouest d’Oran) une rencontre entre universités, pendant laquelle des jeunes filles ont pu manipuler de la vidéo. Et c’est très important pour nous…

Jackie Buet : J’ai vu, il y a de cela deux ans, un court-métrage réjouissant, avec des jeunes filles qui disputaient un match de football, un très joli petit film. Deux équipes de filles mordues de sport, bien soutenues et qui faisaient des tournées. C’était une image assez incroyable car je n’imaginais pas qu’il existait aussi cela ! L’Algérie est un pays de contradictions…


Djilali Boudjemaa : Est-ce que le Festival de Films de Femmes signifie intrinsèquement un cinéma engagé ?

Jackie Buet : Oui ! À partir du moment où l’on dit « je », sur tout ce que l’on regarde et montre, on s’engage en tant qu’individu. C’est un cinéma très engagé, car c’est un cinéma d’auteur. Et quels que soient les problèmes traités (de la famille, du travail, des violences conjugales et sociales, les grands problèmes historiques) à partir du moment où la personne dit « je », elle s’implique. Son sentiment et sa façon de voir sont engagés.


  Festival International de Fils de Femmes (c) D.R.
Objectif Cinéma : Il existe toute une actualité sur un discours de la violence des images, un discours réactif au nom de la protection des mineures en France, sur la nocivité de l’image. Alors qu’il existe des pays traversés de violences aggravées, politiques et économiques et qui sont pour la plupart, en souffrance de représentation. Pas de cinéma pour ces pays ravagés, ou si peu.

Jackie Buet : Je suis tout à fait d’accord et c’est pour moi très important. La privation d’image est un problème fondamental. L’année dernière, nous avions invité les réalisatrices sud-américaines, les Latinas, et nous avons organisé une table ronde sur ce sujet central. Il y avait parmi elles des Brésiliennes qui travaillent en Amazonie avec les populations d’Indiens, des cultures minoritaires. Deux réalisatrices ont mené des ateliers avec eux afin qu’ils racontent eux-mêmes leurs histoires. Elles nous ont expliqué qu’ils revendiquaient un droit à l’image, un besoin de représentation essentiel pour eux. Il peut y avoir un oubli lorsque l’on n'existe pas à ce niveau-là, voire une forme de censure, dans nos sociétés traversées de flux d’images. Une violence de la privation.


Objectif Cinéma : Quelle réponse une femme cinéaste peut-elle tenir face à cette contradiction ? Est-ce qu’une cinéaste a des réponses spécifiques parce qu’elle est femme ?

Jackie Buet : C’est très difficile à faire avec une question du genre. On a remarqué que les femmes aimaient la lenteur, l’absence de sensations fortes, mais tout ce qui était plutôt de l’ordre du drame psychologique, au bon sens du terme. Et cela se retrouve chez certains cinéastes qui sont peut-être eux-mêmes un peu féminins. Raison pour laquelle beaucoup de femmes cinéastes se réclament d’Ingmar Bergman par exemple. Margareth von Trotta que j’ai rencontré hier m’a dit « Moi, c’est en voyant les films de Bergman que je me suis autorisé à penser que je pourrais faire des films un jour ».