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Magharete von Trotta (c) D.R.
Djilali Boudjemaa : La violence issue des images est-elle proprement masculine selon vous ?

Jackie Buet : Lorsque l’on arrive à un degré d’élaboration d’un outil d’expression, les hommes ont plus facilement le goût d’utiliser l’image violente et brutale. Mais la violence n’est pas l‘apanage des hommes dans la société, loin de là. Or, dans le cinéma, elle est en grande partie organisée par des hommes. Il y a toujours derrière tout cela de gros enjeux économiques.


Objectif Cinéma : Quelle est votre position par rapport à ce discours contre la violence des images où l’on attaque le cinéma pour parler de la télévision, entre autres ?

Jackie Buet : Il me semble que ce n’est pas une bonne façon de poser le problème. Voir un film violent ne m’a jamais conduit à être violente. Mais l’effet de conditionnement par l’image existe malgré tout. Ce n’est pas tant l’effet de la violence à l’écran que le cadre dans lequel on voit cela. Si on n’est pas entre adultes par exemple, ou s’il n’y a aucune discussion par rapport à ce que l’on voit.

  Etre et Avoir  (c) D.R.
Objectif Cinéma : Or c’est souvent le cas d’être seul devant la télévision où chacun a sa propre télé. Enfant comme adulte.

Jackie Buet : Quelquefois, j’ai du mal à regarder ces images très dures que balance la télé, en me disant à chaque fois, « mais comment ils peuvent mettre cela ? ».  Et c’est souvent très gratuit au niveau de la violence, on en rajoute beaucoup. L’image est un langage et cela peut être une idéologie et donc un discours extrêmement contrôlé. Cette année, le festival s’engage à ce niveau de pédagogie des images avec un travail spécifique avec les adolescents. Nous avons été choisis par le Conseil Général du Val de Marne pour participer à un dispositif Collège au Cinéma. Il s’inscrit sur trois phases : on choisit cinq films avec les enseignants du département, et ils vont ensuite les voir avec leurs classes. Parallèlement, il existe un module de formation pour les enseignants pour leur apprendre à lire les images. C’est tout frais, on a fait ça en octobre sur trois jours de formation. C’est passionnant. Par rapport au dispositif, le Festival a proposé aux élèves de venir voir le 5e film prévu lors du Festival de Films de Femmes. Cette année, vingt classes vont venir : c’est une première ! Les mômes vont venir avec leur regard particulier. C’est un enjeu politique fondamental.

Objectif Cinéma : A 25 ans, on fête la sainte Catherine si on est encore célibataire. Est-ce le cas du Festival de Femmes ?

Jackie Buet : (Rires) Oui et non ! En fait, nous sommes plusieurs festivals à fêter nos 25 ans. Celui de Clermont-Ferrand (courts-métrages), le Festival des Trois Continents de Nantes, le Festival de la Rochelle (un peu plus vieux), le Festival du film méditerranéen de Montpellier. Il existe environ une dizaine de festivals comme le nôtre qui fêtent leurs 25 ans. Nés à la même époque sans se connaître, en démarrant chacun de son côté, chacun dans son truc. Au bout de 25 ans, cela a bougé, on voit des documentaires à la télévision et au cinéma. Le succès du film de Nicolas Philibert, Être et Avoir, en témoigne. Le court-métrage est aussi sorti de l’ombre, même si son sort est plus fragile, avec de très belles émissions à la télévision, alors qu’en salles, cela reste difficile d’accès. Et les réalisatrices, en tout cas en Europe, solidaires des autres cinéastes, existent réellement. C’est récent et ce n’est pas dit que cela ne va pas régresser un jour. Je suis d’accord avec Agnès Varda lorsqu’elle regrette qu’il n’y pas plus de mixité. Il faudrait montrer certains regards d’hommes, sur les femmes afghanes par exemple. Nous pouvons être solidaires de cela. Et ce serait dommage de dire que ce festival est devenu comme les autres, que le cinéma de femme ne signifie rien à notre époque, car les femmes attendent véritablement cette manifestation. Nous sommes en lien avec d’autres festivals de Femmes du monde : par exemple, nous avons aidé des Coréennes à faire un festival, des Taïwanaises, des Italiennes, les femmes de Barcelone.  Nous avons été des marraines.