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Objectif
Cinéma : Longtemps, des
décorateurs ont défendu un certain type de formation et de
pratique de leur métier. L’originalité de votre parcours vous
place-t-elle en marge de la profession ?
Antoine Platteau : Je
n’en ai aucune idée, car on se rencontre rarement entre décorateurs.
Contrairement aux chefs opérateurs qui ont créé l’A.F.C (Association
Française des directeurs de la photographie de cinéma), nous
n’avons pas de syndicat professionnel.
J’ajoute que je n’ai de carte professionnelle que depuis un
an ! Alors qu’elle est indispensable aux productions.
Qu’on le regrette ou pas, le système d’attribution de ces
cartes ne correspond plus à la réalité de la profession. Et
cela donne lieu à des situations absurdes.
Objectif Cinéma : Quelle
est, selon vous, l’importance donnée au décor par les producteurs
ou les metteurs en scène ?
Antoine Platteau : On
peut dire qu’avec les costumes, nous sommes les moins bien
lotis sur les films. Les productions nous disent souvent :
voilà, pour le décor on a un forfait. En quoi un forfait tient-il
compte des besoins d’un décor ? Au nom de quoi ?
J’ai vraiment l’impression que le budget décor est une plaie
pour le producteur.
Pour les costumes, je pense que c’est pire. En France, leurs
budgets sont dérisoires, les costumiers (ères) n’ont aucun
moyen et ne peuvent faire preuve d’aucune ambition. Regardez
la plupart des costumes dans un film français. Souvent, ils
ne racontent rien des personnages.
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Bien sûr, il y a des cas
isolés, quand il y a une volonté de faire un film à l’américaine,
ou un grand décor comme celui des Amants du Pont-Neuf
de Carax.
Mais les seuls films français qui ont de la tenue au niveau
visuel, ce sont en général ceux des « anciens »
réalisateurs qui montrent une volonté, une envie réelle, qui
apportent un soin maniaque à l’image, comme Alain Resnais,
ou Rohmer avec L’anglaise et le duc.
En général, l’esthétique du cinéma français est assez pauvre,
sans doute à cause de sa tradition littéraire. On traîne encore
une esthétique « réaliste » un peu simpliste de
la nouvelle vague, les appartements aux murs blancs, etc.
Objectif Cinéma : Pourtant,
dans les années 1980, on a eu l’impression d’un nouvel intérêt
pour le décor, le design, les arts appliqués.
Antoine Platteau : Oui,
la mode et la pub en ont beaucoup profité, mais cela ne s’est
pas intégré au cinéma, sauf pour quelques cas particuliers.
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Objectif
Cinéma : Arnaud Desplechin
est le réalisateur avec qui vous avez le plus souvent travaillé.
Comment aborde-t-il un décor ?
Antoine Platteau : Il
est plutôt classique dans son approche du décor et des costumes.
Assez exigeant, et a envie de repères. Mais son cinéma est
avant tout littéraire, et sa caméra reste assez près des personnages.
La sentinelle a été mon premier vrai film. Je l’ai
abordé avec une certaine naïveté qui a sans doute servi à
la fois au réalisateur et au producteur.
En tout cas, je voulais vraiment m’impliquer au maximum sur
un film. J’ai fait des mois de recherches sur le milieu médical,
pour pénétrer un milieu professionnel extrêmement fermé et
très marginal, celui de la médecine légale. C’est un milieu
protégé par la police, la justice, par le secret professionnel
et où on trouve des gens atypiques, au parcours très particuliers.
Il fallait découvrir leur travail, pour le rendre crédible
à l’image. Le scénario était assez rapide là-dessus, il y
avait tout à faire. Dans un cas comme celui-là, on dépasse
le simple travail de décorateur, c’est un travail d’assistant
à la mise en scène.
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