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Objectif Cinéma : Il a eu du mal à être sélectionné dans les festivals…

Philippe Chapuis : Entre Angers et Brest, il n’a été sélectionné nulle part effectivement… On a fait au total 4 festivals en France avec Belfort et Vendôme. D’autres courts-métrages en font entre 40 et 50 !

Il est très difficile de savoir comment faire pour être d’emblée plus séduisant. Là, je ne savais pas trop à quoi le film allait ressembler, même pendant le montage. Avant le dernier jour de post-production, on ne pouvait pas savoir ce que à quoi il ressemblerait. Finalement, ni la production ni moi ne regrettons ce qui s’est passé : il n’a pas été sélectionné à Pantin ou Clermont, mais il a été distribué par le GNCR, a été acheté par Arte. Tout cela lui assure une visibilité qui récompense nos efforts. Les gens pourront le voir.


Festival de Brest (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment as-tu travaillé le son et la musique ?

Philippe Chapuis : Beaucoup de choses se sont mises en place en parallèle. Au moment où j’écrivais les toutes premières versions du scénario, j’ai travaillé avec Jean-Marc Chauvel, le compositeur de la musique du film, sur des films expérimentaux, musicaux, dont il avait composé la musique ou emprunté d’autres musiques d’autres compositeurs. On réalisait ensemble des films muets avec la musique pour seule bande-son. Jean-Marc a beaucoup travaillé sur des dispositifs mixtes. Celui qu’on a le mieux réussi s’appelle De ma fenêtre. Il enregistrait des sons depuis la fenêtre de son appartement et en a fait une bande son, une sorte de condensé de l’univers sonore parisien, pour laquelle il a composé ensuite une partition pour violoncelle. Il a conçu cette dernière comme un dialogue entre le monde extérieur, représenté par cette bande son, et l’être humain représenté par ce violoncelle. Parfois le monde extérieur couvre le violoncelle et d’autres fois le violoncelle reprend ce qu’il a entendu dans le monde extérieur… A partir de là, j’ai fait un film qui reprenait le même principe,  toutes les images venant aussi de cette fenêtre. On a joué sur les échelles, les moments, et il est impossible d’imaginer que ce film est fait du même point de vue. Jean-Marc m’a fait découvrir le travail sur la matière sonore et l’idée de musicalité du son. A quelques exceptions, le cinéma a beaucoup tendance à être encore dans une conception de la musique néoclassique de la musique. Par exemple dans Le mépris ou In the mood for love, on retrouve des thèmes très marquants qui reviennent, sont associés au film.

Je trouve au contraire que la musique et les images ne jouent pas au même niveau de sensibilité. J’avais envie de lier la perception sonore à la perception spatiale et mentale et que tout concorde à la même impression. Quelqu’un m’a d’ailleurs dit qu’il n’avait pas eu l’impression d’entendre de la musique dans Antoine travaille, mais que tout était lié. Il n’avait pas fait la différence sauf quand il y avait un piano. Ce son lui avait paru naturel, ce qui est quand même un comble car tout est complètement fabriqué ! Mais j’ai apprécié cette réaction car le but était véritablement là : ne pas arrêter la perception mais faire en sorte que cela nous plonge mieux encore plus facilement dans l’univers du film.

Jean-Marc a recréé une bande sonore reconstituant les sons de l’usine. L’idée était de dénaturer la bande son, de la musicaliser, et à partir du même procédé, faire en sorte que peu à peu, des sons de machine soient repris, au niveau du rythme, par des instruments, que ces instruments soient mimétiques, puis qu’ils se désolidarisent des sons d’origine pour partir dans leur direction.

  (c) D.R.

Certains sons sont présents sur le début d’un plan, puis, alors que commence le travelling, le son change, il est relayé par un deuxième son, puis par un troisième. On a alors l’impression qu’il y a un point de vue sonore, un point d’écoute qui change avec le point de vue. A partir de la séquence du rêve, les sons des machines se déréalisent, les pas d’Antoine sur le plancher métallique deviennent les mouvements d’une machine, puis sa voix qui compte dans son lit, puis le son de roues d’une autre machine, etc. Il y a une métamorphose des motifs sonores, qui deviennent de plus en plus musicaux. Jean-Marc a recréé par exemple l’un des sons de machines, avec un bruit de porte en métal de casier qui se ferme en couinant. Il l’a réutilisé, l’a trafiqué pour faire un son de machine assez convaincant. Il a composé la musique instrumentale à partir de De natura rerum. Il voulait faire une musique des atomes. Le son est un continent fascinant dont on a pas encore épuisé toutes les ressources. Il y a aussi toute la question des rapports entre le son et l’image et les rapports entre la mémoire, la perception, et le son dans la continuité du film. C’est une bande-son fine et subtile qui n’arrête pas l’attention.