Objectif Cinéma :
Même en termes de programmation ?
Stéphane Goudet : La
mairie ne m’a jamais dit : « attention la programmation
d’avant, ce n’était pas bien » ; au contraire, ils
ont passé leur temps à me dire que le travail accompli était
remarquable. Ce qui est vrai. J’ai beaucoup d’estime pour la
directrice précédente (Geneviève Houssaye). Il fallait s’inscrire
dans la continuité de ce travail. Après, qu’il faille réfléchir
sur certains dossiers, par exemple la fréquentation des jeunes,
je pense que c’était également nécessaire. Il fallait un peu
ouvrir la programmation, de façon à ce que certains jeunes n’aient
pas l’impression que c’est le cinéma de l’autre C’est pourquoi
j’assume de passer certains films très grand public, très ponctuellement.
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Objectif
Cinéma : L’ancienne direction
a parfois programmé des films grand public, qu’elle éreintait
dans son propre programme, comme Le pacte des loups.
Stéphane Goudet : Moi
j’ai programmé Taxi 3 sans le voir, et peut-être que
je penserais cela. Je n’ai aucune détestation pour Taxi
2, que je trouve un divertissement sans prétention pas
pire qu’un autre. Cela permet de faire des entrées et de pouvoir
passer des choses plus difficiles. C’est donc une logique
économique. En même temps, le fait que ce soit une salle municipale
change un peu les choses. C’est aussi le cinéma de tous, donc
il faut de temps en temps envoyer des signes.
Objectif Cinéma : Je
voudrais parler, de façon plus générale, de l’activité d’exploitation,
de ce qu’est l’acte de projeter et montrer des films. On remarque
que, depuis votre arrivée, il y a une politique très riche
en termes d’animations diverses et variées : le week-end
Tati en juillet, week-end Kiarostami, des festivals,
etc. Sans oublier un investissement physique puisque vous
animez des séances d’analyse filmique. Ce qui n’est pas si
fréquent. Est-ce que ce n’est pas la vocation d’une salle
art et essai : briser un peu la routine de la simple
consommation des films.
Stéphane Goudet : Oui,
j’en suis persuadé. Ce en quoi la salle art et essai se distingue
résolument des multiplexes. Moi, je fais cela parce que c’est
ma passion et ma compétence, car mon activité principale est
d’être enseignant à l’université. Quant à favoriser les
échanges et les rencontres dans la salle, c’est vraiment ce
qui m’intéresse. Ne faire que de la programmation et rester
dans son bureau sans accompagner les films ? Je ne serai
pas rentré dans ce métier.
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Objectif
Cinéma : Il me semble
qu’il y a un nombre conséquent de ce genre de manifestations
au Méliès, par rapport à d’autres salles du même département
(Seine Saint-Denis).
Stéphane Goudet : Il
y a beaucoup de salles qui font ce travail dans ce département.
D’ailleurs, il y a assez peu de départements aussi dynamiques.
J’ai beaucoup d’admiration pour mes confrères, et d’ailleurs,
je me sens assez à la traîne. Parce que il n’y a pas de
festival fortement identifié ici. Ca viendra peut-être avec
l’industrie du rêve. Mais il y a un vrai désir de cinéma
chez ces gens-là, que je trouve plus fort que chez la majorité
des critiques de cinéma. J’ai l’impression de découvrir
des films que je ne serais pas allé voir en tant que critique,
par conformisme ou paresse. Le cinéma argentin par exemple.
Bref, cela m’amène à d’autres curiosités. Mais cette salle
a ses particularités : elle marche bien, mieux que
d’autres dans le 93, elle est plus proche de Paris donc
on peut faire venir des gens de Paris. On est très sollicité
par des distributeurs qui nous demandent si l’on ne veut
pas faire venir des cinéastes. Avant, j’ai été trois mois
à la Courneuve, il fallait supplier les distributeurs pour
avoir une copie ; quant à inviter un cinéaste, cela
relevait de la gageure totale. Ici, c’est l’inverse. De
plus, on a constaté que la multiplication des animations
fonctionnait très bien, loin de se gêner les unes les autres,
les salles sont pleines à chaque fois.
Objectif Cinéma : A
quoi est dû ce succès ?
Stéphane Goudet : Il
y a une vraie fidélisation de spectateurs, qui deviennent
des habitués des rencontres. Et cela, c’est très bien. On
va faire prochainement un pari avec un week-end Yoshida.
Au début, j’ai payé les pots cassés. Pour la rencontre avec
Claire Simon, il y a eu six spectateurs.