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  L'hypothèse cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : En tout cas, cette envie de cinéma chez le public existe bien ici. Peut-être parce que l’on a réussi à la créer, la susciter. Cette envie est-elle exportable ?

Stéphane Goudet : Oui. Moi, j’ai beaucoup hésité à venir ici, alors que je venais d’être engagé à La Courneuve. Car, à la Courneuve, il y avait un vrai défi, mais très difficile à relever car les gens ne viennent pas du tout.


Objectif Cinéma : Comment les faire venir ?

Stéphane Goudet : On a commencé à repenser la politique de communication sur la salle en fondant un programme alors qu’il n’y en avait pas, en organisant des rencontres. Il y a des choses à faire. Est-ce que cela suffira à en faire un lieu vivant ?, je ne sais pas.


Objectif Cinéma : A Montreuil, il y avait un acquis.

Stéphane Goudet : Je n’ai rien créé. J’ai poursuivi un travail.


Objectif Cinéma : Je reviens à la question de la diversification des modes de diffusion du cinéma, avec l’apparition de nouveaux médias. On parle justement d’une différence entre une culture cinéphilique traditionnelle liée à la vision linéaire en salle et une nouvelle culture cinématographique plus fragmentaire, non linéaire, via le DVD. Alain Bergala insiste beaucoup là-dessus dans son livre l’Hypothèse cinéma, parlant même d’un déclin de l’aura de la projection avec le numérique. Qu’en pensez vous ?

Stéphane Goudet : Ce phénomène existe, bien sûr, mais est-ce qu’il porte atteinte à l’aura du cinéma ?, je ne crois pas, même dans le fait de voir par fragments. Parce que la consommation en DVD est fondée sur la répétition, on va aller voir quinze fois la même scène sur laquelle on va trouver des choses géniales ; et dans ce rapport d’admiration et de répétition, il y a aussi un rapport à l’aura. L’aura du cinéma est intacte, même si elle se manifeste autrement que dans la projection d’une œuvre en continu. Fondamentalement, je ne vois pas ce que cela change par rapport à la cassette vidéo, hormis un côté beaucoup plus pratique pour passer d’une séquence à l’autre. En ce qui concerne la diffusion en numérique, sachant que les différences avec la projection 35 mm vont s’estomper, cela ne changera rien non plus à l’aura cinématographique. Tout le monde viendra à la diffusion en numérique dans les salles. Le principal souci, c’est la protection des œuvres. Il est difficile de pirater un film qui tient sur trois bobines de film, alors que cela va devenir probablement plus simple de pirater un film qui est envoyé sur un support informatique.


Harry Potter (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ce procédé ne risque-t-il pas de favoriser les gros distributeurs et les grosses machines, style Star Wars, au détriment de films plus fragiles ?

Stéphane Goudet : De fait, il n’y aura pas, pour le distributeur, de problème de disponibilité de copie. Donc cela veut dire que toutes les salles qui demanderont à avoir un film pourront l’avoir. En effet, on peut craindre que Harry Potter bénéficie de trois milles salles au lieu de mille. Cela peut entraîner une concentration encore plus forte du nombre de films. Mais, en même temps, on peut soutenir l’inverse : il y aussi sur les films art et essai des problèmes de disponibilité de copie, et cela peut régler les soucis des distributeurs qui n’ont pas le fric pour en tirer quatre ou cinq. Par exemple, on n’a pas pu programmer les films de Kurosawa sortis cet été, parce qu’il fallait attendre six mois et qu’il n’y avait qu’une ou deux copies. Cela dépendra ensuite de la responsabilité des distributeurs et de celle des directeurs de salles.


Objectif Cinéma : Donc pas d’inquiétude pour les salles art et essai ?

Stéphane Goudet : Non. Après, il y a d’autres inquiétudes comme le problème de la concurrence, très vive avec les multiplexes. Ceci dit, je pense que cela peut être complémentaire et je suis assez nuancé sur cette question. Par exemple, je pense que Montreuil pourrait très bien avoir une deuxième salle de cinéma, vu la capacité de la ville et le taux de fréquentation du Méliès. Le problème serait  la localisation de ce cinéma et sa politique de programmation. Plus je réfléchis, plus je suis convaincu qu’il faudrait qu’il passe des films très commerciaux, surtout pas de l’art et essai ! Or, l’option actuelle, c’est l’installation d’un MK2. C’est notre créneau, donc je préfère de loin un UGC, un Pathé ou un Gaumont. Certes, ils nous priveraient des très gros films, sur lesquels on fait plein d’entrées en fin d’année, mais en même temps ils ne rivaliseront pas, semaine après semaine, et on ne sera pas chez le médiateur en permanence pour avoir tel ou tel film.