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  Rire et châtiment (c) D.R.

Objectif Cinéma : Une question un peu pratique sur le problème très actuel de l’inflation des copies, qui agite un peu le milieu des distributeurs et exploitants. Je rappelle le cas de Harry Potter, avec la sortie de plus de 1000 copies, ce qui constitue un record. Récemment, Taxi 3 avec neuf cent cinquante copies. Ce type de pratique implique un taux de rotation extrêmement rapide, un risque d’étouffement des autres films, etc.

Stéphane Goudet : Je ne suis pas forcément le mieux placé pour parler de cela, parce que c’est un atout d’avoir une salle qui marche. C’est-à-dire que l’on peut poser nos conditions aux distributeurs, même un très gros. Il y a très peu de films pour lesquels on se fait imposer des conditions. En gros, les conditions maximales que l’on puisse nous imposer, c’est trois semaines plein écran pour les deux films de fin d’année : Harry Potter et Le seigneur des anneaux. Sinon pas de film. On a dit oui parce qu’on était sûr qu’il y aurait le public et que cela ne nous empêchait pas de faire une « contre-programmation » dans les deux autres salles. Donc, quand on a trois salles, à titre de réflexion sur la politique de programmation, ce n’est pas très gênant. Après, c’est surtout un problème qui se pose aux distributeurs : dans quelle mesure cela permet-il à d’autres films d’exister sur cette semaine-là ? Je suis assez curieux d’une chose : juste avant Taxi 3, il y a un très gros film français qui marche très bien et a une chance de durer, c‘est Rire et Châtiments. Il faut voir comment Taxi 3 va se comporter face à ce succès. Pour revenir à votre question, la démultiplication des copies pose un vrai problème de respect du pluralisme. C’est un problème important mais pas tellement à une échelle locale.


Objectif Cinéma : Vous n’avez pas encore ressenti les effets pervers de ce système ?

Stéphane Goudet : Non, mais dans la mesure où je n’accepte pas que l’on m’impose cinq semaines de programmation. Certains parviennent à le faire dans certaines salles : plein écran pendant cinq semaines ! C’est délirant ! Nous, nous bloquons à deux semaines, même un mastodonte, ce qui n’était pas la politique antérieure. J’accepte les gros films, mais pas plus de trois semaines.


Jacques Tati (c) D.R.

Objectif Cinéma : J’ai lu une déclaration de Marin Karmitz dans un entretien donné au Film français, qui parle de la nécessité d’un « code de bonne conduite » entre distributeurs et exploitants. N’y a-t-il pas une fuite en avant actuellement ?

Stéphane Goudet : Franchement, à la place de Warner, j’aurais aussi tiré les mille copies d’Harry Potter puisque je savais que les salles étaient demandeuses et que le public serait présent. Sur un film comme cela, ils prennent peu de risques. Par contre, ce n’est pas dit du tout que ce soit rentable de tirer neuf cent cinquante copies pour Taxi 3. Si le bouche à oreille n’est pas bon, cela peut s’effondrer et ils se retrouvent avec les neuf cent cinquante copies sur les bras . J’attends le moment où un distributeur se prendra une gamelle parce qu’il aura tiré trop de copies. Et cela arrivera très vite, forcément. Quant au « code de bonne conduite », je ne vois pas bien quelle forme il pourrait prendre. Disons qu’il y a de vraies questions de fonctionnement général. Du point de vue du petit distributeur, je m’interrogerais sur la légitimité d’attribuer des subventions, y compris « art et essai », à des films qui sortent avec six cents copies. Faut-il classer un film « art et essai » s’il sort avec huit cents copies par exemple ?


Objectif Cinéma : Parlons de Tati pour terminer. Vous êtes sans doute le grand spécialiste de Tati en France. Pour faire le lien avec ce que l’on a dit sur l’exploitation, vous avez mis sur place, en juillet 2002, un grand week-end Tati avec des invités exceptionnels, qui a incroyablement bien marché. Vous étiez un peu l’homme de la situation.

Stéphane Goudet : Et bien, j’avais quand même des atouts. Je connaissais l’ensemble des collaborateurs de Tati encore vivants, je connais très bien le distributeur Les films de Mon oncle, grâce auquel j’ai pu accéder à des archives pour ma thèse. Effectivement, cela n’a pas été très compliqué pour moi d’organiser ce week-end. Le seul suspense consistait à savoir s’il y aurait du monde ou non. En fait, le désir a été très fort. A l’arrivée, on a eu mille cinquante spectateurs en deux jours !