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Thierry Arbogast (c) D.R.
Objectif Cinéma : En plus de l’exécution, l’utilisation des ordinateurs a-t-elle modifié la phase de conception des décors ?

Jacques Rouxel : Sur la préparation de Bon voyage, j’avais fait modéliser tous les croquis d’intérieurs. Sans indication de couleur, mais avec les volumes, les éléments d’architecture et toutes les entrées de lumières. Un long travelling en labyrinthe, prévu dans un décor d’appartement, a été simulé par ordinateur. Après l’avoir projeté à Jean-Paul, on a fait des modifications, rétrécit les couloirs, rehaussé des plafonds. Les décors du Hussard avaient été préparés avec la même démarche, mais cette simulation des volumes avait été faite en réel !

Cette maquette en images 3D a donc servi pour la conception des décors, la mise en scène et comme moyen de communication au chef-opérateur, aux FX… Cette méthode n’a rien du luxe, ça ne coûte pas plus cher de payer un infographiste pendant deux mois - il vient avec sa station de travail et s’installe au bureau déco - que d’embaucher un dessinateur sur la même période. Mais c’est vrai que pendant des années, on était habitué à voir du papier, des calques...


Objectif Cinéma : La période de l’Occupation est souvent traitée dans le cinéma français. Quel était le parti-pris esthétique décidé avec la réalisation ?

Jacques Rouxel : Un travail sur la couleur, ou plutôt sur la non-couleur. On voulait une ligne directrice, surtout ne pas partir dans tous les sens comme le font les téléfilms d’époque où il n’y a pas de lien, où l’on tombe dans la démonstration et l’anecdote.

Il y a eu une réelle collaboration avec le chef-opérateur, Thierry Arbogast, et avec la créatrice des costumes, Catherine Leterrier, à qui Jean-Paul a demandé de superviser l’artistique et de participer à toutes les séances de travail. Nous avons opté pour des tons chauds, des gris colorés, des zones d’ombres très marquées avec de vrais noirs.

Jean-Paul a mis beaucoup de ses souvenirs, de son enfance passée dans des maisons de famille. Il ne tenait pas à une reconstitution d’époque, mais à retrouver ce parfum, cette nostalgie. Il aimait l’impression d’avoir connu ces décors, leurs tissus, leurs papiers peints.


  Thierry Arbogast (c) D.R.
Objectif Cinéma : Le budget du poste décoration sur Bon voyage était-il comparable avec celui des films d’époques des années 50 et 60 ?

Jacques Rouxel : Avant, on avait coutume de dire que le décor d’un film d’époque tournait autour de 20%, et qu’un film « normal », sans trop de décors, à 10%. Aujourd’hui, il est rare d’atteindre ce pourcentage. Sur Bon voyage, on était au départ à 8% du devis général du film et l’on a fini à 13%, en comptant les salaires.


Objectif Cinéma : Parmi les nombreux décors du film, lequel a été plus intéressant, ou plus complexe à réaliser ?

Jacques Rouxel : La pension de Mme Arbesault (Edith Scob) a été faite en studio. C’est une grande maison bourgeoise, très sombre et décrite comme un labyrinthe. J’ai imaginé une cour intérieure en utilisant la piscine du studio et l’appartement tourne tout autour.

Dans cette cour, on peut lire l’historique de la maison, l’âme qui date du XVIIIe, les rajouts des époques successives, les percements récents, les plafonds et les sols qui varient.

De plus, la cour permettait de résoudre la question des découvertes, d’éviter les voilages aux fenêtres - qui révèlent toujours le studio - ou les agrandissements photographiques, trop statiques. Ici, c’est le décor qui est en découverte, il vit, on voit passer des figurants.