 |
|
|
|
Objectif Cinéma :
Peu de films policiers sont
à ce point stylisés, et l’on pense à certains mélodrames ou
films fantastiques.
Jacques Rouxel :
Une affaire privée est une histoire insolite, avec
une narration complexe, des retours en arrière. Chaque décor
est parsemé d’indices qui renvoient à un autre décor, un autre
personnage et qui annoncent la suite. Comme un jeu de piste.
Et le spectateur le ressent sans en être conscient, par exemple
au niveau des couleurs.
L’intention était de faire un film « sale », à la
fois sombre et coloré, avec des sources de lumière visibles.
Il y a des décors monochromes, la couleur est déclinée en
plusieurs tons qui viennent assombrir un mur dans l’ombre
ou éclaircir un mur à la lumière. Les laques réfléchissent
la lumière, des plafonds sombres écrasent l’espace, une couleur
envahit un mur...
Objectif Cinéma : Le
privé qu’interprète Thierry Lhermitte croise des personnages
louches dans toutes sortes de lieux parisiens. On sent une
volonté de s’éloigner des clichés habituels, le zinc des bistros,
le vieux Paris, les hôtels de Pigalle...
Jacques Rouxel : Comme
pour la scène de la partie de poker. D’habitude, le privé
entre dans un bar clandestin, le patron tire le rideau de
fer, va vers la salle du fond, les chaises sont à l’envers
sur les tables... Il fallait trouver autre chose. On a choisi
un grand hangar dans une de ces zones industrielles en bordure
de Paris. On a loué des robes de mariée, enveloppées dans
du plastique, le tout sur-éclairé au néon comme un supermarché,
et au milieu, la table de poker.
D’autres décors ont été choisis pour leur architecture résolument
contemporaine, ou leur aspect décalé. Au lieu d’enterrer l’agence
de détective, on a tourné au dernier étage de la plus haute
tour de Paris, avenue de Choisy. Sur un des murs du bureau,
on a placé une photo géante des gratte-ciels de Chicago ;
de l’autre côté, on a une vue plongeante sur toutes les tours
du XIIIe, comme pour mieux surveiller la ville.
|
 |
|
|
Objectif Cinéma :
En vingt ans de décor, comment
ont évolué les conditions financières dans lesquelles vous
travaillez ?
Jacques Rouxel :
J’ai commencé, comme beaucoup de décorateurs, par des films
à petits budgets, dont certains se sont arrêtés en préparation
ou en tournage, ou ne sont même jamais sortis.
À cette période - les années 1980 - la part du budget pour
le début semblait plus confortable, et si on ne faisait
plus de films d’époque, il y avait encore de gros décors.
Je me rappelle avoir visité le plateau d’Autour de minuit,
un décor d’Alexandre Trauner, et avoir été très impressionné.
Les films d’époque ont ensuite repris lors de la célébration
du bicentenaire, avec La Révolution française, puis
Valmont, Cyrano...