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  La Fleur du mal  (c) D.R.
Objectif Cinéma : Depuis 20 ans, quelle a été l’évolution de votre profession ?

Françoise Benoit-Fresco : A mes débuts, j’ai eu la chance de travailler sur des gros budgets, avec beaucoup de studio et une longue préparation. Je me rappelle de certains téléfilms américains « de prestige » où je ne savais pas vraiment de quel budget je disposais ! Et Lamothe me disait : « Françoise, il faut parfois se faire plaisir ». Les films s’enchaînaient, on terminait un film le vendredi, et le lundi, on passait au suivant.

J’ai vraiment commencé à la transition entre deux époques. Nous sommes au début des années quatre-vingt, il y avait encore des assistants déco d’un certain âge qui gardaient leurs anciennes habitudes de travail. Par exemple, certains ne connaissaient les nouveaux matériaux, ils achetaient des éléments en laiton, ou en bronze, à l’ancienne. Je suis arrivée avec l’esprit pub (j’ai dû le perdre, depuis) et j’ai sorti mon catalogue de moulages en résine, dix fois moins cher, et il n’y avait plus qu’à peindre en doré. En revanche, je regrette une certaine façon de travailler, il y avait une qualité qui s’est perdue.  Tout le monde ne pouvait pas se déclarer décorateur, tous avaient fait une école. Il y a aussi de nombreux corps de métiers qui ont disparu comme les staffeurs ou les serruriers. Et surtout, on a de moins en moins d’argent et de temps de préparation.

Une des conséquences, c’est que l’on va moins chez les antiquaires où l’on peut trouver des choses magnifiques. La location pour les films n’est pas leur activité première, donc pour nous, cela demande plus de temps et d’argent qu’avec les loueurs de cinéma qui sont à notre disposition, mais dont les stocks ne varient quasiment pas.


Objectif Cinéma : Comment se constitue votre équipe, aujourd’hui ?

Françoise Benoit-Fresco : Sur un petit film, j’ai une seule personne avec moi, le régisseur d’extérieur. A deux, on se débrouille. Sur les films importants, je peux prendre deux ou trois assistants, et aussi un « accessoiriste aux meubles », chargé de prendre soin des meubles loués ou achetés, les nettoyer, les repeindre, bricoler… Et il y a toujours les rippeurs, qui sont les chauffeurs chargés d’amener puis de rendre tout ce qu’on met dans le décor.

Comme les équipes se réduisent, les gens doivent se montrer de plus en plus polyvalents. Avant chacun se tenait à son rôle, aujourd’hui ils ont souvent envie d’évoluer. Par exemple, le poste de régisseur d’extérieur qui auparavant approvisionnait la construction, ou était chargé des accessoires « fonctionnels » comme l’électroménager, les téléphones, par la suite les ordinateurs…Aujourd’hui, il est comme un assistant qui m’aide en plus dans les recherches de mobilier.


Vatel (c) D.R.
Objectif Cinéma : Le décor de Vatel fourmille d’accessoires les plus divers. Quelle a été votre propre contribution ?

Françoise Benoit-Fresco : En plus du mobilier et des accessoires habituels, dont un grand nombre ont été fabriqués d’après des dessins d’époque, il y avait sur Vatel une demande énorme en ce qui concerne la nourriture : les plats, leur composition, leur présentation. C’était presque le sujet du film, et d’ailleurs il y avait un conseiller historique dans ce domaine. Très vite, on a dû renforcer l’équipe pour s’occuper spécialement des plats cuisinés et des compositions florales. Pour ma part, je fournissais tous les contenants : les vases et la vaisselle. Je me suis inspiré des tableaux du XVIIe représentant des scènes de repas, des bouquets…

Vatel est un très beau travail de décor. Il s’agit aussi de reconstitution historique, et ça fait appel à un savoir qui s’apprend dans les écoles d’art, et non sur le tas.

Quand le film a été sélectionné pour l’Oscar du décor, Jean Rabasse était nommé en tant que Production Designer, et moi Set Decorator. J’en suis fière car c’est une reconnaissance de mon travail. Nous sommes même allés à Hollywood pour la cérémonie. En France, on sait à peine ce qu’est un ensemblier.


Objectif Cinéma : Vous avez récemment travaillé sur The Statement, tourné en France par Norman Jewison. Quel en est le décor ?

Françoise Benoit-Fresco : Le film raconte l’affaire Touvier. L’action se situe en 1992, avec des flashbacks pendant la guerre, quand il avait été protégé par l’Eglise et caché dans des monastères.   Trouver des décors naturels est très difficile car dès que l’on présentait un synopsis à des monastères, l’autorisation de tournage était refusée. Donc il nous a fallu tricher, trouver d’autres lieux et les transformer, les accessoiriser. Avec mes deux assistantes, on a fait les antiquaires, les brocanteurs, pour trouver tout ce qui est « religieux ».