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Objectif cinéma :
Vous avez aussi fait connaître l'acteur Lázaro Ramos, qui
a cette espèce d'énergie interne même s'il n'était pas capoeirista,
ni homo, ni danseur ou chanteur. Y a-t-il une chose en particulier
qui vous a intéressé dans sa personnalité ?
Karim Aïnouz
: La douceur en fait, le contraire. J'avais trouvé quelqu'un,
avant, qui avait un regard très violent. Il avait vécu dans
la rue, et son expérience était assez proche de celle de
João Francisco. Lázaro peut être à la fois très violent,
mais il sait aussi trouver l'espace de la douceur et de
la tendresse. Je crois que si ce personnage n'avait pas
cela, il devriendrait un monstre et n'aurait aucun intérêt.
Son humanité passe par ce mélange de violence et de tendresse.
L'autre acteur pressenti avait eu une vie tellement dure
qu'il avait du mal à se montrer vulnérable. C'est pourtant
le côté fragile de Madame Satã qui donne l'épaisseur au
personnage. Lázaro Ramos offrait aussi un registre de jeu
très varié et son talent lui permet de passer d'une façon
de jouer classique genre Actor's Studio, et puis dans la
même scène, il saura être très théâtral.
Objectif cinéma
: Quel était le parcours
de Ramos avant votre film ? Il vient du monde du théâtre
?
Karim Aïnouz :
Il avait environ 22 ans quand il a fait Madame Satã
et c'était son premier grand rôle. Avant il a joué pendant
huit ou neuf ans dans une troupe de Salvador (Bahia) assez
connue qui s'appelle Bando de Teatro Olodum. Il a aussi
joué des petits rôles dans deux films.
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Objectif cinéma
: Combien de temps avez-vous
passé sur Madame Satã ?
Karim Aïnouz :
Depuis 1994 jusqu'à la sortie du film l'an dernier (au Brésil,
NDLR), cela fait huit ans. C'est trop long ! Je crois que
j'ai beaucoup appris, mais il y a un moment où j'ai perdu
la passion, mais tout est revenu au moment du tournage.
Objectif cinéma
: Quels ont été les aspects
les plus difficiles de ce projet ?
Karim Aïnouz
: Je crois que ça a été de trouver un producteur. Cela m'a
pris quatre ou cinq ans. L'autre chose, c'était le choix
du comédien principal, parce que le film est axé à 100%
sur ce personnage.
Objectif cinéma
: Alors la leçon retirée
est que la patience est la première qualité pour un réalisateur,
pour garder vos exigences de qualité ?
Karim Aïnouz
: Plus qu'être patient, il faut être très têtu et ne pas
écouter les gens.
Objectif cinéma
: Le film a-t-il été bien
reçu à sa sortie aux Etats-Unis et au Brésil ?
Karim Aïnouz
: Aux Etats-Unis (où le film est sorti fin juillet, NDLR),
ça marche hyper bien ; je suis même un peu surpris. Le film
sort graduellement dans vingt villes importantes. Au Brésil,
il est sorti en novembre 2002 et il est resté à l'affiche
pendant trois mois. Evidemment, ce n'est pas un blockbuster,
mais on a fait 190 000 entrées et la presse était très intelligente.
Moi, j'avais très peur de sortir le film au Brésil parce
que c'est un pays assez homophobe et je pensais que ça ferait
un scandale. Je sais quand même que s'il n'y avait pas certaines
scènes dans le film, on aurait pu faire le double d'entrées.