Objectif Cinéma :
Et vous intervenez aussi au
MK2 Bibliothèque pour la projection des Temps modernes...
Alain Rémond : Exactement.
Cela fait partie des expériences qui se font dans la continuité
de Cannes.
Objectif Cinéma : Justement,
pour revenir à ma question initiale, quel bilan tirez-vous
de la présence cannois de la société Barco ?
Alain Rémond : Cette
année, ce fut un peu la continuité du tournant qui avait été
pris l’année dernière, où pour la première fois, il y a eu
des projections numériques dans le cadre de la sélection officielle
du festival de Cannes. C’est le premier grand festival au
monde qui accepte cela. L’année dernière Russian Ark
de Sokurov avait été projeté en numérique alors qu’il était
en compétition.
Objectif Cinéma :
Pour s’arrêter deux minutes
sur ce film, il était intéressant de voir que la projection
numérique se justifiait totalement, dans la mesure où le film
est composé d’un long plan séquence. Alors qu’au cours des
projections du film en 35 mm, on voyait les collures des changements
de bobine...
Alain Rémond : L’année
dernière, cela avait posé un problème : la projection
de presse s’était faite en 35 mm car il n’y avait pas de projecteur
numérique salle Bazin. Sokurov était furieux car on voyait
la saute lors du raccordement d’une des bobines. Cela « tuait »
en quelque sorte son travail. Mettre tout en place pour qu’il
n’y ait aucun raccord, et se retrouver en projection de presse
avec une coupure aussi infime soit-elle, c’est un peu normal
d’être énervé !
Tous les grands réalisateurs viennent très facilement aujourd’hui
au numérique, en réalisant des films qu’ils n’auraient pas
pu faire en 35 mm, soit parce que le thème ne s’y prête pas,
soit parce qu’ils n’arrivent pas à trouver le budget
ou parce qu’avec le budget qu’ils ont, ils n’auraient pas
eu les mêmes moyens. Que ce soit Soderbergh avec Full Frontal
ou Claude Miller avec La petite Lili qui disait qu’il
avait économisé plus de 30 % en tournant le film en numérique.
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Objectif Cinéma :
Pourquoi des films comme celui-ci
n’ont-ils pas été projeté en numérique ?
Alain Rémond :
All Tomorrow’s Parties a été projeté en numérique car
c’était la même équipe de production et de distribution que
Russian Arc. Ils avaient donc confiance dans le résultat
qui serait à l’écran et ils ont donné leur accord. Il faut
dire qu’entre le moment où la sélection est annoncée, et celui
où débute Cannes, il n’y a que quinze jours. Et compte tenu
des enjeux qu’il y a à Cannes, beaucoup de réalisateurs qui
souhaiteraient voir leur film projeter en numérique - parce
qu’il a été conçu dans cet esprit-là - voudrait valider avant
la qualité de la projection. C’est assez lourd à mettre en
place car ils n’ont jamais vu leur film projeté dans des conditions
de vrai cinéma numérique. Ils ont vu de la post-production
vidéo, HD ou autres, mais n’ont pas vu ce que donnait la projection
de leur film sur un écran de 18 ou 20 mètres de base. Ils
ont donc une appréhension à ce niveau-là, qui fait que tant
que nous n’avons pas réussi à les convaincre, on ne peut
pas projeter le film en numérique. On a eu le même problème
avec Marin Karmitz et Les temps modernes. Au départ,
il n’était pas favorable à ce que le film soit projeté en
numérique. On a donc organisé une projection comparative avec
une version 35mm et une version numérique, à l’issue de laquelle
tout le monde a dit qu’il fallait le projeter en numérique.
C’est parce que les gens ont pu le voir et être convaincus
qu’ils prennent le risque de le faire.
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