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Objectif Cinéma :
C’est un film sur la nostalgie ?
En sachant que nostalgie en grec signifie littéralement
retour de la douleur…
Alain Guiraudie :
C’est « comment se servir de sa nostalgie pour aller
de l’avant ?». L’au revoir donne un élan pour aller
plus loin. Du coup, peut-on parler de la nostalgie ?
Etymologiquement, c’est « le retour de la douleur »
effectivement. De ce point de vue, ça ne me concerne pas.
Mais le terme de nostalgie est pas mal galvaudé et a pris
un autre sens. Ca revient toujours sur le tapis en tout
cas. Quand tu regardes les lignes de voitures des années
70, elles sont beaucoup moins uniformisées que maintenant.
Aujourd’hui, tout se ressemble. Les niveaux de recherche
sont arrivés à un point où les créateurs savent quel est
le meilleur aérodynamisme par exemple, et ils font donc
tous la même chose. Je trouve ça assez triste. Bon, mon
film c’est aussi une manière de dire au revoir…Pour un élan
vers d’autres possibles.
Objectif Cinéma :
Ton cinéma nous apparaît
comme une note un peu à la marge, un cinéma d’auteur en
ce sens que ce que l’on voit dans tes films, ce que tu racontes,
on ne le voit nulle part ailleurs.
Alain Guiraudie :
C’est un grand enjeu pour moi aujourd’hui. Le cinéma français
a plutôt une bonne évolution, contrairement aux débuts des
années 90, où il avait une sale tendance avec d’un côté
un cinéma très esthétisant avec Besson, Beineix, et même
Carax, et de l’autre les cinéastes naturalistes. Aujourd’hui,
j’aime Jean-Claude Brisseau, qui ose filmer des choses très
libres. J’ai adoré son dernier film Choses Secrètes
qui m’a beaucoup impressionné, il se dégage de toute dictature.
Ce film est libre. Il y a des moments dans le film où tu
te dis « putain il est gonflé » et ça
marche ! Il faut avoir les couilles pour faire ça,
car fait par quelqu’un d’autre ça se ramasserait complètement !
Et en plus, il a eu très peu d’agent. Avec François Ozon,
j’ai peu de mal…. Bon, il y a les frères Larrieu qui essayent
de faire aussi un cinéma différent, j’aime bien le cinéma
d’Hélène Angel avec son premier film Peau d’homme cœur
de bête.
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Objectif Cinéma :
Pas de repos…
apparaît comme un mixe entre Du soleil pour les gueux
et Ce vieux rêve qui bouge, entre social et humour
absurde.
Alain Guiraudie :
Oui, totalement. L’absurde me plaît beaucoup. J’ai été très
sensible à l’absurde de Ionesco ou de Beckett, mais ça ne
me suffit plus. L’absurde ne doit pas devenir le dédouanement
total de notre engagement. Je ne veux pas être l’artiste
qui regarde le monde s’agiter, j’ai envie d’être dedans.
Ca me plait d’avoir de la dérision sur moi-même, comme la
réplique « c’est pas possible de s’emmerder à ce
point ».
Objectif Cinéma :
Jean-Claude Brisseau et toi
me semblez être les deux cinéastes français les plus importants.
Un cinéma de l’engagement.
Alain Guiraudie :
Au moment où j’ai commencé à faire du cinéma je trouvais
que le cinéma français semblait ne pas sortir de ses ornières,
avec une espèce de dictat, mais il y a des gens qui parviennent
à s’en dégager. Comme Jean Charles Fitoussi ou Serge Bozon
avec Mods.