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Philippe Germain :
A partir de 1981, alors que la France connaissait un nouvel
élan culturel et politique, le CNC a confié à François Ode
et Philippe Pilard la réalisation d’une étude sur la diffusion
du court métrage. Jusqu’ici un peu floues, les propositions
pour créer une structure favorisant la diffusion du court
métrage en salle de cinéma avaient la chance de pouvoir
alors être menées à bien. Tel a été le point de départ de
l’Agence du court métrage. C’était une idée pragmatique,
à l’anglo-saxonne, et non une grande théorie de cinéma :
il s’agissait simplement de s’interroger sur la façon de
faire le lien entre ceux qui font des films et ceux qui
veulent les montrer. Centraliser les copies, négocier
les conventions avec les ayants droits pour avoir un modèle
économique unique pour tout le monde et ne pas avoir de
multiples négociations à chaque diffusion, recenser les
fiches techniques, les photos d’exploitation, et considérer
les films courts comme des œuvres de cinéma à part entière
et pas simplement comme des bouts d’essai, ou un CV filmé
montrant qu’on est capable de faire plus tard du « grand
cinéma ».
La réhabilitation du film court dans la salle de cinéma
fut patiente et régulière. Les missions de l’Agence se sont
peu à peu agrégées, avec notamment la constitution du dispositif
R.A.D.I. (des salles adhérentes du dispositif, qui acceptent
de passer les courts métrages en première partie de programme,
en lumière éteinte, après les pubs, en respectant le format,
le cadre du film et le générique). Il s’agissait aussi de
composer avec les salles de cinéma des programmes complets
qui circulent et de permettre aussi d’accueillir toutes
les personnes qui veulent diffuser des films, de leur donner
la possibilité de voir les films sur cassettes avant d’envoyer
ensuite les copies dans les salles (service de livraison
et de vérification des copies). Tout s’est monté petit à
petit, puis est arrivé un nouveau chantier, celui de la
diffusion à la télévision, autour de la création de la Régie
Tv Câble, qui a permis de réhabiliter la diffusion du court
métrage à la télévision, qui n’en programmait pas jusqu’alors.
Parallèlement à tout ça, on peut aussi citer la création
d’un des grands fils conducteurs de l’agence, le magazine
Bref, pour toujours attester de cette idée qu’on
écrit sur des films de cinéma, et qu’on réfléchit une écriture
critique à partir de ces œuvres cinématographiques.
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Objectif Cinéma :
On retrouve à travers Bref
et l’Agence du court métrage cette dualité entre un choix
éditorial, critique, la valorisation de certains films plus
que d’autres, et d’autre part la mission de service public,
plus généraliste, moins sélective.
Philippe Germain :
Absolument. J’appellerai cela une mission de service public
qualifiée. D’un côté on accueille tous les films de cinéma,
on essaye de les diffuser et de leur donner accès à la salle
de cinéma : ce modèle alternatif, en dehors du système
industriel classique, a permis l’année dernière de diffuser
plus de 1300 films différents. De l’autre côté, il y a Bref,
qui participe de ce travail de qualification par une réflexion
permanente autour du film court en tant que forme expérimentale,
forme de développement, forme de recherche. Bref
assume cette réflexion, mais il s’agit d’un « tout »,
indissociable de l’Agence. L’un ne pourrait pas se faire
sans l’autre. On ne pourrait pas se contenter d’être simplement
un service.
Objectif Cinéma :
On pourrait presque dire
qu’une politique des auteurs est née de l’Agence…
Stéphane Kahn :
De l’Agence, je ne sais pas, mais de Bref, oui, très
certainement. Le magazine a défendu de nombreux cinéastes
dès la réalisation de leurs courts métrages, comme Laurent
Achard, Laurent Cantet, Erick Zonca, etc.
Philippe Germain :
La possibilité de montrer davantage de films courts a certainement
suscité des vocations chez des auteurs, des producteurs,
etc. Si ces films n’avaient pas été accessibles, je ne sais
pas si ces gens-là auraient fait du cinéma, ils auraient
certainement pensé à en faire, mais plus difficilement,
peut-être de façon moins affirmée.