Objectif Cinéma :
Vous êtes né à Constantine,
en Algérie. Quels sont les premiers sons qui ont bercé votre
enfance ?
Jean-Marie Sénia :
Ceux de ma grand-mère, qui était pianiste. Elle jouait en
permanence, des airs très populaires, des opérettes, et mon
grand-père m’emmenait tous les dimanche à l’opéra. J’adore
le moment où les musiciens s’accordent. Cela amène une poésie,
une tension qui est très émouvante. Il y a quelque chose qui
théâtralise la musique à ce moment-là. Et pour moi, l’Algérie
est liée à cette culture de l’opérette populaire.
Objectif Cinéma :
Votre premier instrument, c’était
donc le piano ?
Jean-Marie Sénia
: Bien sûr ! Un petit piano bleu que ma mère m'a
offert. C'était un jouet de bois, mais avec toutes
les touches. Ma grand-mère a vu que je m’intéressais tellement
à cet instrument qu’elle a fait amener son piano dans notre
appartement. Ensuite, on m’a mis chez un professeur, un ancien
élève de Bela Bartok. Après on a quitté l’Algérie et à 15
ans, je suis rentré au Conservatoire de Strasbourg.
Objectif Cinéma :
A quel moment avez-vous opté
pour la composition de musiques de théâtre et de films au
lieu de faire carrière comme soliste ?
Jean-Marie Sénia :
J’ai eu le premier prix au Conservatoire à l’unanimité, puis
un prix international en Allemagne de l’Est à l’Académie Franz
Liszt, et puis tout d’un coup, ça ne m’a plus attiré et j’ai
tout arrêté de moi-même. Je me suis vu interpréter toute ma
vie ce que les gens avaient déjà joué, et puis le milieu classique
m’a absolument horrifié. Cette complaisance n’allait pas avec
mon tempérament, qui est plus spontané. Mais comme je ne voulais
pas arrêter, j’ai fait une pause, en 1961, et puis on m’a
proposé un poste au Théâtre national de Strasbourg pour faire
travailler des comédiens. Tout a commencé là : le théâtre
et le cinéma sont entrés dans ma vie. A 22 ans, Jacques Rivette
et Juliet Berto m’ont demandé de faire Céline et Julie
vont en bateau (1974). C’était le milieu de la Nouvelle
vague…
Objectif Cinéma :
A quel âge avez-vous commencé
à composer ?
Jean-Marie Sénia :
A partir de 13 ans, j’ai commencé à écrire des mélodies sur
des bouts de papier. Mais j’ai vraiment commencé lorsque j’ai
été engagé comme musicien par le Théâtre national de Strasbourg
et ma première musique était pour un spectacle au festival
d’Avignon. Ça a été un triomphe, et dans la salle, il y avait
Jacques Rivette et Juliet Berto.