Objectif Cinéma :
Est-ce une source d’inspiration
pour votre travail de compositeur ?
Jean-Marie Sénia :
Non, parce que quand j’arrive en fin de film c’est terminé,
l’idée est partie.
Objectif Cinéma :
Mais vous pourriez enregistrer
votre improvisation pendant la projection ?
Jean-Marie Sénia :
A l’anniversaire de Coppola, à l’occasion duquel j’ai accompagné
Michel Strogoff (réalisé en 1926 par Victor Tourjansky,
NDLR), Sony avait enregistré le concert et voulait l’ajouter.
J’ai dit non. Ils ne comprenaient pas pourquoi. De l’improvisation
doit rester de l’improvisation. Il serait absurde que la bande-son
sorte en disque sans le film ! Sinon, je préfère encore
composer une musique de film comme j’ai fait pour Staréwitch.
« Un travail de dentellière »
Objectif Cinéma : La
composition de la bande sonore des Contes de l’horloge
magique vous a-t-elle appris des choses sur votre métier
de compositeur ?
Jean-Marie Sénia : Oui
j’ai trouvé comment travailler maintenant, mieux que pour
Max Linder. J’ai compris qu’il ne fallait pas composer plus
de trente secondes par jour. Si j’ai réussi à désigner des
choses dans le film et en même temps à être poétique, j’ai
réussi ma journée. Staréwitch vous oblige à effectuer un travail
de dentellière, sinon on peut rater des détails. Il faut être
aussi obsessionnel, aussi perfectionniste que lui. Par exemple,
je peux utiliser un même thème musical pour « coder »
les scènes de course-poursuite, qui reviennent trois fois
dans les films. Mais à chaque fois, le thème sera différent -
avec une trompette, ou un solo de hautbois, ou encore avec
de la harpe - parce qu’à chaque fois le personnage est différent,
alors il faut aussi un changement de tempo pour chaque course.
Objectif Cinéma :
Etait-ce un défi pour vous
que de lier trois courts métrages différents avec une trame
sonore globale ?
Jean-Marie Sénia :
Oui, c’est la plus grosse difficulté : Qu’est-ce qu’on
fait avec trois films inclus dans un même package mais qui
ont trois inspirations différentes ? J’ai imaginé qu’il
y avait une espèce de refrain et j’ai demandé qu’on commence
la trilogie avec La Petite Chanteuse. La valse du limonaire
génère la musique, et après cette musique évolue de façon
différente. Ça m’a permis de construire une dramaturgie musicale.
Objectif Cinéma :
Combien de temps et d’argent avez-vous eu pour travailler ?
Jean-Marie Sénia :
On a eu très peu de budget, environ 250 000 francs, alors
qu’aux Etats-Unis j’aurais pu compter sur un million de francs.
L’enregistrement a duré cinq mois en studio et on a travaillé
avec quinze musiciens. Tout a été fait en synchronisation
avec l’image. Mais ça coûte très cher. Dans le monde du cinéma
aujourd’hui, plus personne ne veut payer les musiciens pour
faire de la musique de film, c’est terrible ! On a toujours
la portion congrue des budgets.