Objectif Cinéma :
A la fin, vous brouillez carrément
l’onirisme et la réalité. Gilles Marchand :
Ce n’est pas un travail si conscient. J’essaye de me laisser
aller à mes intuitions. Ce qui m’intéressait, c’est qu’on
parte de choses qui nous paraissent a priori sûres et solides
et que la part de doute grandisse. Même si le doute est extrêmement
faible. Et j’ai l’impression que plus le film avance, moins
on est sûr de ce qu’on a vu. C’est quelque chose que je n’avais
pas décidé au départ, mais que je sentais être la vérité du
film. Je pense que si on voit dix minutes du film, on peut
répondre à la question : « Qui a tué Bambi? ». Alors que si
on voit tout le film, on en est presque incapable.
Objectif Cinéma :
Vous avez travaillé avec Dominik
Moll en tant que co-scénariste sur Harry, un ami qui vous
veut du bien. A l’époque, pendant l’écriture du scénario,
il a dit que vous étiez un peu son Harry à lui, sa part d’ombre.
Gilles Marchand : On se
connaît tous les deux depuis vingt ans. Dominik Moll, Vincent
Dietschy [co-scénariste de Qui a tué Bambi?], Laurent
Cantet et moi-même sommes une petite bande d’amis. On a fait
nos courts métrages et nos premiers longs ensemble. En l’occurrence,
avec Dominik, en plus de co-écrire le scénario de Harry,
un ami qui vous veut du bien, j’étais aussi sur son tournage.
Là, cette fois-ci, il était sur mon tournage pour que le dialogue
continue. Il connaissait le film très intimement et il me
connaît bien : on pouvait parler de tout, des personnages,
de la place de la caméra, du montage futur. C’est un travail
très concret. Si à l’époque de Harry, il avait dit que j’étais
son Harry sur le film, c’est sans doute parce que j’apportais
un côté « monsieur plus ». Il y avait un jeu de rôles entre
nous : lui était plus Michel, moi Harry. Là, ce n’est pas
tout à fait en ces termes que ça s’est joué, mais c’était
pour moi une présence indispensable. Et puis, surtout, c’est
un ami. On a la chance que cette amitié se traduise en termes
de travail. Je disais l’autre fois, en plaisantant, dans un
débat: « C’est un ami et l’on ne peut pas rajouter ça au générique
». Et en plus on est payé pour ça !
Objectif Cinéma :
Vous allez donc retravailler
ensemble ?
Gilles Marchand :
Oui. On vient d’écrire son prochain film ensemble. Je serais
encore une fois sur le tournage au printemps. Donc, je croise
les doigts pour que ça dure.