Objectif Cinéma : Y
a-t-il encore une trace de ses films russes ? Ont-ils
le même esprit fantastique que ses films d’animation
?
Xavier Kawa-Topor :
On peut en trouver certains dans les archives russes mais
pas en France. Il y a aussi des trucages, mais on sent une
référence plus forte au théâtre. Techniquement, on sent un
homme de cadre et de lumière. Mais pour moi, la personnalité
artistique de Staréwitch s’est établie dans les années 1920
à son arrivée en France. Et il est devenu une des références
essentielles de la marionnette animée, avec le Tchèque Jiri
Trnka, qui est très postérieur à Staréwitch. Les marionnettes
de Trnka viennent du théâtre et prennent vie par la mise au
mouvement et l’éclairage. Celles de Staréwitch sont beaucoup
plus naturalistes. Leur forme souple permet des expressions
tirées de l’observation de la nature par un homme qui s’est
d’abord consacré à l’entomologie. Elles ont un squelette et
des articulations, puis sont formées de paille et recouvertes
de peau de chamois, avec des yeux de taxidermie et des poils.
Tout cela rapproche l’esthétique de Staréwitch de la naturalisation.
La postérité de Staréwitch passe par Ray Harryhausen (père
de Jason et les Argonautes, NDLR), soit toute la technique
de l’animation image par image (stop motion) et des trucages.
Le stop motion, c’est la technique de base des effets spéciaux,
qui permet de faire cohabiter une animation et une image réelle.
Ray Harryhausen, le roi des effets spéciaux, se revendique
complètement de Staréwitch et King Kong (le film de
1933 qui lui a donné envie de devenir cinéaste, ndlr) est
fait dans une technique qui est celle de Staréwitch. Tim Burton,
pour l’Etrange Noël de M. Jack, a demandé à ses animateurs
de regarder les films de Staréwitch pour les personnages et
l’animation. Terry Gilliam a vu l’Horloge magique à
Conques et a écrit un article sur lui en estimant que c’était
le réalisateur le plus important à découvrir actuellement.
Objectif Cinéma : Vous
avez modifié le nom de la petite fille dans l’Horloge magique.
Dans la version originale, elle s’appelait Yolande, et vous
avez décidé de garder le nom de Nina, la fille cadette de
Staréwitch, qui interprète le rôle principal. Est-ce pour
souligner les qualités autobiographiques du film ?
Xavier Kawa-Topor :
Ca s’est fait de façon instinctive. Cette actrice qui apparaît
dans les trois films joue des personnages différents, mais
elle a toujours la fonction de passeur entre réalité et onirisme.
Elle est vraiment l’Alice aux pays des merveilles de Staréwitch.
De la même façon que Lewis Carroll s’adresse à Alice - qui
existait vraiment à Oxford - et en fait un personnage, pour
nous Staréwitch s’adresse à sa fille Nina et en fait un personnage.