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  Betty Boop (c) D.R.

Objectif Cinéma : Si l’on revient sur la carrière de Staréwitch, n’est-il pas tout de même ironique que lui qui s’est imposé par sa technique d’animation n’ait pas pu s’adapter à l’avènement du son ? Ou bien était-ce le nouveau système de production qui l’a vaincu ?

Xavier Kawa-Topor : Les conditions qu’il avait en Russie étaient bonnes car il faisait partie des réalisateurs en vue, mais son installation en France a changé la donne et il s’est retrouvé dans une situation précaire. Mais il ne voulait pas recommencer à faire ses classes, soit être opérateur pour des réalisateurs plus connus que lui. Je crois que son choix de revenir à l’animation était une façon de garder son indépendance dans des conditions assez artisanales où il était le seul maître d’œuvre. Il a pu continuer à être à la pointe de la création et de la reconnaissance dans les années 1920, parce que c’était les mêmes conditions de production pour tout le monde, mais lors du passage au parlant, il a eu des problèmes de production et techniques pour son premier long métrage, le Roman de Renard. Il était toujours à la pointe : dès 1929, il imaginait son film parlant, mais ensuite il a eu des rendez-vous ratés avec les producteurs.

Robinson et compagnie (c) D.R.

Ces problèmes sont assez représentatifs de l’animation en Europe. L’animation aux Etats-Unis a pu se développer, dès les frères Fleischer (Max et Dave, pères de Betty Boop et Popeye, ndlr) et Walt Disney, grâce à l’intégration d’un système économique capitaliste, la solution technique du celluloïd et l’expansion économique et politique des Etats-Unis dans l’après-guerre. Le deuxième acteur, le Japon, s’en tire grâce à la volonté de certains studios de répliquer dès les années 1950 aux Américains, et le troisième modèle est celui des studios d’Etat du bloc soviétique. En Europe occidentale, que se passe-t-il ? Rien ! L’animation reste marginalisée à des artisans qui travaillent chez eux. L’histoire de l’animation française est marquée par le grand projet de la Bergère et du ramoneur de Paul Grimault qui capote pour des raisons de production. Grimault finalisera ce film de façon héroïque avec quelques collaborateurs et la sortie se fera au début des années 1980, c’est-à-dire 25 ans après la bataille, alors que Disney s’est imposé partout.

Objectif Cinéma : Staréwitch aurait-il pu s’imposer et laisser une marque plus profonde s’il s’était installé aux Etats-Unis ?

Xavier Kawa-Topor
 : C’est difficile à dire, mais on peut citer l’exemple du Hongrois George Pal, très doué dans une technique d’animation de marionnette proche de celle de Staréwitch et qui a émigré aux Etats-Unis. Il y a fait une grande carrière à travers les Puppetoons, puis en tant que producteur et directeur d’effets spéciaux aux Etats-Unis. C’est peut-être ce qui serait arrivé à Staréwitch, quoique peut-être pas si son esprit était trop libre...