Objectif Cinéma
: Pourquoi avoir choisi le
mouvement néonazi comme thème de recherche ?
Winfried Bonengel : A cette
période, j'avais lu des articles sur les néonazis allemands,
et le sujet m'intéressait. J'ai réalisé Beruf : Néonazi
en 1993 qui a obtenu un certain succès critique, et qui a
été montré dans plus de quarante festivals dans le monde entier.
J'en ai également tiré plusieurs autres documentaires.
Objectif Cinéma : Cela
fait beaucoup de films sur le même sujet ?
Winfried Bonengel : Vous savez,
quand on s'est immergé dans un milieu aussi particulier, aussi
riche, quand on a passé des mois à rencontrer des gens pas
tous passionnants, mais dont certains ont des parcours intéressants,
il est normal de rentabiliser la démarche !
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Objectif Cinéma
: Mais il y a bien quelque chose,
une problématique particulière, qui vous attirait vers cet
univers ?
Winfried Bonengel : L'idéologie
des groupuscules néonazis ne m'intéressait pas particulièrement.
Mon travail n'est pas une étude politique. Ce qui m'intéresse,
ce sont les êtres humains qui se trouvent entraînés dans cette
famille de substitution, cette véritable secte. J'ai envie
de découvrir les raisons qui les ont amenées à épouser ces
idées. Les failles dans leurs histoires. Je me souviens d'un
jeune homme qui n'avait pas connu son père, et qui croyait
en avoir trouvé un en la personne d'un leader néonazi. En
fait, il était manipulé. Les responsables du groupe avaient
compris qu'ils pourraient en faire n'importe quoi s'ils lui
donnaient ce qu'il recherchait, un semblant d'environnement
familial. Récemment, un psychologue m'a confié que les extrémistes
de droite ou de gauche délimitent des trous laissés par la
société. Je trouve cela assez juste. Le mouvement néonazi
traduit un malaise existant dans nos démocraties. Toute une
génération de 15 ou 16 ans sait qu'elle n'aura jamais sa place
dans le système. Et les gouvernants n'ont pas su leur apporter
de réponses satisfaisantes.
Objectif Cinéma : C'est
en plongeant dans ce milieu que vous avez rencontré Ingo Hasselbach
avec lequel vous avez co-écrit le livre “ Die Abrechung ”,
ainsi que le scénario de Les Enfants de la colère.
Winfried Bonengel : Oui, c'est
une belle rencontre. J’étais fasciné par le contraste entre
la description qu'en faisait la presse (N.B : Ingo Hasselbach
a fondé plusieurs partis fascistes, de 1985 à 1992, il a été
condamné sept fois par la justice pour incitation à la haine
raciale) et ce qu'il était réellement. C'est quelqu'un qui
a beaucoup d'humour. D'ailleurs, son évolution a prouvé que
je m'étais pas trompé sur son compte. Après la parution de
“ Die Abrechung ”, il a quitté la mouvance néonazie.
Et maintenant il veut faire du cinéma ! Le problème, c'est
qu'il veut réaliser en cinq ans ce qu'on arrive d'ordinaire
à faire en quinze ou vingt ans.
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