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La Brèche de Roland (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ce fut un tournant pour vous, La Brèche…, dans la mesure où il semblait facile de vous situer dans le rôle du jeune séducteur intello-romantique du cinéma français, et là vous deveniez plus physique.

Mathieu Amalric : Ben oui, ça a été une vraie rencontre, oui. Je connaissais leurs films, j'adorais leurs courts métrages. Le Baigneur, dans lequel joue Jean-Marie, est excellent.  J'allais vers autre chose, ça m'excitait d'apprendre, car au départ je n’étais pas du tout acteur, j'étais stagiaire, assistant, je pensais que j'allais faire des films. A tel point qu'il y a un ami qui est rentré au conservatoire sous mon nom, qui a le diplôme du conservatoire d'art dramatique de Paris, un Mathieu Amalric qui n'est pas moi !  J'étais avec un groupe d'amis dans les années 80, ils étaient les acteurs et moi j'étais celui qui allait les filmer.

Mais pour revenir à ce que vous disiez sur la perception de mes rôles, je crois que les réalisateurs aimaient bien que je sois aussi réalisateur et que d'une certaine manière ils me faisaient jouer une sorte d'alter ego. Je l'ai fait chez Desplechin, Assayas, mais je me sens plus proche de celui de chez les Larrieu... Oui, c'est ça, la femme, les enfants... Et j'ai beaucoup plus de plaisir à faire des choses comme ça, physiques, la comédie, ou alors essayer de chanter, des choses qu'on ne me fait pas faire généralement. Être acteur c'est être un homme à tout faire, essayer d'élargir son registre. Là je tourne avec Arnaud Desplechin, on se retrouve huit ans après…C'est toujours assez touchant, les deuxièmes fois, c'est très important. Je joue de l'alto, il m'a fait faire le hip hop,  danser, pendant un mois pour une scène d'une minute dix dans un hôpital psychiatrique, le personnage se lâche. Voilà, ça j'adore.


Objectif Cinéma : Vous étiez en train de devenir, si l'on peut dire, un Doinel fin-de-siècle, à travers ces collaborations avec Desplechin, Assayas...

Mathieu Amalric : Alice et Martin, et Biette... Mais j'ai refusé beaucoup de ce genre de rôle, plusieurs films citadins. Tout le monde n’a pas le talent d'un Desplechin. J'ai la chance de pouvoir choisir, lorsque ça devient irrésistible alors je choisis de travailler avec des gens qui sont des vrais cinéastes.


  Mathieu Amalric (c) Julles & Julles

Objectif Cinéma : Il vous arrive de vouloir intervenir au-delà de votre statut d'acteur ?

Mathieu Amalric : Surtout pas, ou plutôt... C'est très compliqué cette question-là parce que le problème de la « désobéissance » est quelque chose qui m'obsède. Ce désir, ce courage presque...politique de désobéir au pouvoir, que représente le réalisateur. En tant qu'acteur c'est une tentation, mais je n'y arrive pas, sur un tournage, lorsque je suis acteur, je n'y arrive pas, je deviens un citoyen modèle. Je m'en veux, alors j'ai trouvé une parade, un truc, en regardant les acteurs qui font les cabots, les cons, sur le plateau ; c'est une manière de proposer plein de choses.  Il y a des réalisateurs avec qui c'est possible, comme les frères Larrieu, qui m'ont laissé apporter des choses aux personnages. Mais chez Desplechin, c'est impossible, il a déjà absolument tout prévu, où les personnages allaient être dans le champ, dans quelles positions,  les objets, etc. C'est quelqu'un qui supporte de moins en moins le naturel et donc il ne faut pas faire semblant que ce soit comme dans la vraie vie. Il ne faut rien changer. Chez les frères Larrieu non plus il ne faut pas changer, surtout pas le texte, mais comme il est plus déclamatoire, on tente plus de choses.