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Objectif Cinéma :
Quelle est la demande quand
on fait appel à vous ? Quelles contraintes vont donne-t-on ?
Jean-Marie Vivès :
Dans la plupart des cas, on me dit simplement : « J’ai
deux personnages sur un fond bleu, crée-moi un décor autour ».
Et c’est tout. Je dois chercher les visuels, placer
les éléments dans l’image, inventer…C’est de la création
d’images. La contrainte, c’est qu’elles ne se voient pas.
Mes mattes doivent s’intégrer au film en tenant compte de
la direction artistique du film, j’étudie les séquences,
le décor, la lumière. Pour Alien, en dehors de la
collaboration avec Caro et Jeunet, j’ai beaucoup travaillé
avec l’opérateur, Darius Khondji. Si je dessinais entièrement
un espace, je tenais à savoir comment lui l’aurait éclairé.
Objectif Cinéma :
Utilisez-vous encore le dessin à la main ?
Jean-Marie Vivès :
Je fais toujours des croquis à la main, mais il m’arrive
d’aller directement sur l’ordinateur. Soit je dessine, soit
je fais de la 3D tout en essayant de gommer l’effet 3D.
Même si je dois inventer un décor irréel ou onirique, je
me base toujours sur la réalité, quitte à en garder très
peu de choses. Pour La Cité des enfants perdus, j’ai
visité les ports jusqu’au Danemark. Pour chacun, j’étudiais
l’implantation, les volumes. Avant de commencer Blueberry,
j’ai sillonné le Grand Canyon en 4/4 en prenant d’innombrables
photos.
Pour Le petit Poucet, les références se situaient
en peinture, et là, j’étais très heureux. Le film a une
réelle volonté artistique, ce qui est rare dans le cinéma
français. Dahan voulait un côté très illustratif, que l’on
sente les coups de pinceaux sur le décor. Il m’a laissé
assez libre, ce fut pour moi une belle expérience.
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Objectif Cinéma :
Combien de temps consacrez-vous
à un matte ?
Jean-Marie Vivès :
C’est difficile à évaluer. Sur La cité…, j’ai fait
une quinzaine de mattes sur une période de 8 mois, mais
j’en travaillais parallèlement pour d’autres films. Et,
en général, je prends un long temps de réflexion. Aujourd’hui,
les machines sont plus rapides, je fais en moyenne une cinquantaine
de mattes par an.
Objectif Cinéma :
Comment êtes-vous crédité au générique ?
Jean-Marie Vivès :
Matte-painter, tout simplement. Sur Le petit Poucet,
j’ai eu le titre de décorateur numérique, vu le nombre très
important de matte : 46 !
Objectif Cinéma :
Après Alien, n’avez-vous
pas été tenté de travailler sur d’autres projets américains ?
Jean-Marie Vivès :
Après La cité… et Alien, j’ai effectivement
eu des propositions, comme ce film où Robin Williams se
promène dans des tableaux (Au-delà de nos rêves,
Vincent Ward, ndr). Et j’ai eu entre les mains quelques
séquences storyboardées d’un certain Matrix, mais
cela ne s’est malheureusement pas concrétisé. Pour travailler
aux USA, il aurait fallu que je m’installer là-bas, et les
matte-painters y sont nombreux. En France, j’ai été longtemps
le seul. À présent, il y a des gens qui font le même type
de travail, mais au sein de boîtes d’effets spéciaux et
de postproduction.