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Objectif Cinéma :
Pour vous, le numérique a-t-il une incidence sur l’image ?
Y a-t-il un style numérique ?
Jean-Marie Vivès :
Tout dépend de la direction artistique, mais c’est évident
qu’il y a une mode. Deux ou trois films ont fait des ravages,
comme Matrix. Le cinéma et la pub reprennent sans
arrêt ce look : les tons gris métallisés, les couleurs
délavées, les noirs très contrastés. Une catastrophe à long
terme…
Sans parler des films tournés en DV, leur qualité d’image
est médiocre. Les valeurs de gris sont très réduites par
rapport à celles que permet un négatif. Sur ce point, le
numérique n’a rien apporté de très concluant, du moins à
l’heure actuelle. Quand on compare avec une belle image
35mm et Cinémascope, comme celle de Bon Voyage…
Objectif Cinéma :
Le numérique encourage-t-il
les cinéastes à affirmer une volonté esthétique plus manifeste ?
Jean-Marie Vivès :
Je n’en suis pas sûr. Disons qu’en termes d’imagination,
il n’y a plus d’autocensure. Avant, on disait : « C’est
pas possible, il faut penser autrement ». Maintenant,
dans une certaine mesure - on reste loin derrière les budgets
américains - on se donne les moyens.
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Le numérique a facilité le retour
d’un certain spectacle. Il y a en France un cinéma qui n’existait
plus avant, même si la majeure partie du cinéma français
reste auteuriste, avec peu d’effets visuels ou spectaculaires.
Entre parenthèses, les Anglo-Saxons savent vous donner les
deux : du spectacle et de quoi réfléchir, voyez Blade
runner ou Brazil.
Pour revenir au numérique, c’est un outil formidable. Ce
qui me plait avec Amélie Poulain, c’est que le film
raconte une simple histoire d’amour tout en étant une œuvre
très graphique. On a pu retoucher les décors extérieurs :
« nettoyer » les façades, les voitures dans les
rues, supprimer les pubs…Il y a un énorme travail qui ne
se voit pas.
Objectif Cinéma :
C’est un outil précieux également
pour les films d’époque ?
Jean-Marie Vivès :
Bien sûr. Prenez les reconstitutions du Paris de 1940 dans
Bon voyage, ou celui de 1910 pendant les grandes
inondations dans le prochain film de Jeunet (Un long
dimanche de fiançailles, ndr). Il y a dix ans, ces films
étaient impensables. Aujourd’hui, on peut les réaliser à
moindre coût. Quand on voit Paris dans les vieux films de
cape et d’épée, c’est toujours filmé dans les rues de Senlis
ou de Pérouse ! Le décor peut revenir à des choses
plus ambitieuses, et un matte est forcément moins cher qu’un
grand décor construit pour une séquence rapide, parfois
même une seul plan. On peut même faire plusieurs cadrages
avec un même matte.