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Objectif Cinéma :
Des années 50 à aujourd’hui, vous avez pratiqué les anciens
studios aujourd’hui disparus comme les plus récents ?
Jacques Saulnier : J’ai
connu tous les anciens studios, ceux qui dans les années
vingt et trente avaient leur décorateur et leurs équipes
embauchées à l’année. Ce système s’est arrêté un peu avant
la guerre. Je me souviens que Trauner n’aimait pas ça, car
c’était l’un ou l’autre qui était volé. Soit on dépassait
le devis et l’on était perdant, soit le studio faisait des
bénéfices et le décor était n’importe quoi.
Il y avait aussi des studios en plein Paris, comme rue Francoeur
(où réside la Fémis aujourd’hui), ou rue François 1er,
à la place d’Europe 1. Avec Resnais, on riait en pensant
que Raimu et d’autres allaient à pied au Fouquet’s pour
la coupure déjeuner. C’est vrai qu’on ne peut plus tenir
le coup dans Paris avec des hangars qui sont loués trois
mois par an. Avec le prix des terrains, les studios de cinéma
de tous les pays se sont éloignés des centres-villes. La
pression immobilière est telle que tous les plateaux qui
entouraient Paris ont progressivement disparu depuis une
quarantaine d’années : Courbevoie, Neuilly, St Maurice,
Joinville, Boulogne…
Au début des années 1970, avec d’autres décorateurs, on
s’était mobilisé, mais ça n’a servi à rien. Même les quelques
réalisateurs qui utilisaient beaucoup le studio n’ont pas
bougé. Le résultat est que, même encore aujourd’hui, on
manque parfois de plateaux. Si bien qu’il a fallu en reconstruire
dans les années 90, mais assez loin de Paris, comme à Arpajon.
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Objectif Cinéma :
Smoking/ No smoking
a été tourné dans les studios d’Arpajon ?
Jacques Saulnier : J’avais
envisagé de construire tous les décors sur le 4000 (m2),
mais cela coûtait plus cher de mobiliser cet immense plateau,
de l’équiper pendant les 6 mois de tournage. On a utilisé
trois plateaux qui étaient à la limite de la taille voulue.
Les décors construits sur le plus vaste (1300m2) sont plus
intéressants : la terrasse d’hôtel, la golf, la falaise…
On a pu vraiment pu faire des grands ciels. Ceux des deux
autres plateaux, plus bas de plafond, sont moins réussis,
comme le décor du cimetière.
A l’origine, ces locaux étaient des entrepôts agricoles
et dans Smoking, à la demande de l’opérateur, ils
ont dû surélever la toiture d’un plateau pour mieux éclairer.
Un autre est même traversé par une poutre sur toute la largeur,
il a fallu la peindre raccord avec le ciel d’un décor. Un
drôle de trucage ! Et qui a pourtant bien marché. Cela
dit, un plateau n’est jamais assez grand…
Objectif Cinéma : La
BiFi a exposé les maquettes en volume que vous avez réalisées
pour chacun des décors de Smoking/no smoking.
Jacques Saulnier :
Pour les grands décors, j’ai toujours fait des maquettes
détaillées, à la fois par plaisir et par nécessité. Elles
servent aussi à l’opérateur et au réalisateur. On voit plus
vite, et les réalisateurs ont beau dire, ils lisent moins
bien les plans. Je pense que maintenant, Resnais ne pourrait
plus se passer de maquettes.