Objectif Cinéma :
Comment se déroule concrètement
cette phase d’écriture ?
Jacques Rémy Girerd :
C’est un perpétuel va et vient entre le texte, le dialogue
et les images. On se voit, on réfléchit, on discute, moi
j’écrivais et les deux autres dessinaient en même temps
pour élaborer le storyboard. Ensuite, une fois que le storyboard
est fait, on le monte avec toutes les voix ; de fausses
voix qu’on fait nous-mêmes et on met aussi de la musique.
Objectif Cinéma
: Le storyboard est donc
élaboré dés le début de la phase de création ?
Jacques Rémy Girerd :
Dés que l’histoire commence à être un peu plus définie,
charpentée, on fait le storyboard. On le monte, on regarde
ce que ça donne et là on voit tous les problèmes qui se
posent alors on retourne au texte, on corrige et ensuite
on retourne vers l’image. On a monté cinq fois le film en
tout avant de le démarrer.
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Objectif Cinéma :
Comment gérer autant de personnages
à partir d’une situation de huit clos, comme on trouve dans
la seconde partie du film, sans en délaisser certains et
en mettre d’autres trop en valeur ?
Jacques Rémy Girerd :
C’est difficile surtout qu’il y a beaucoup de personnages,
on a un peu élagué certaines choses au niveau de la narration,
des situations, des personnages. Par exemple, on avait créé
un hérisson au départ, on aimait bien cette idée du hérisson
qui tout le temps tombait sur la bouée et risquait de la
trouer et puis finalement il a « sauté » comme
beaucoup de choses, parce qu’on ne pouvait pas faire un
film de plus d’une heure et demie. Mais le hérisson, on
le retrouve tout de même à la fin, lors de la scène de joie
des retrouvailles. Les grenouilles aussi, on a décidé de
les stopper après leur intervention, parce qu’elles ont
un rôle très important et un niveau d’intervention assez
fort dans la narration. Si on voulait les faire tenir jusqu’à
la fin, ça les mettait en compétition avec d’autres histoires
qui se passaient sur le bateau et à un moment donné, ça
affaiblissait le reste, donc on a dû y renoncer. On a trouvé
un artifice, on n’a pas mis d’oiseaux, ni de poisson (qu’on
a laissé à la concurrence), mais on s’est limité pour donner
un rôle important à chacun des personnages.
Objectif Cinéma :
A propos de la concurrence,
ne craignez vous pas le film des studios Pixar, Le
Monde de Némo, qui sort sur les écrans français à la
même période que La prophétie des grenouilles ?
Jacques Rémy Girerd :
On ne craint pas, au contraire on aime cette concurrence-là.
Ce sont deux façons de voir le cinéma d’animation aujourd’hui :
deux graphismes très différents, deux contenus, deux façons
de gérer les émotions et les sentiments très différentes.
D’un côté, on a un spectacle très bien fait techniquement,
un vrai feu d’artifice extraordinaire, du Tex Avery moderne
et de l’autre, un film captivant avec de l’émotion, un graphisme
fort et original. Nemo c’est un spectacle que l’on
regarde à distance, La Prophétie des Grenouilles
est un film qui nous touche plus intimement.