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Objectif Cinéma :
Qu’est ce qui est le plus
difficile quand on passe du court ou du moyen métrage au
long métrage ?
Jacques Rémy Girerd :
La narration n’est pas la même. Un court métrage on peut
le percevoir mentalement, alors que j’ai du mal à voir une
heure et demie en une seule fois. C’est comme un champ de
vision rétréci, quand on est au début du film, on ne voit
pas la fin. Les animatic (les premiers montages) nous aident
justement à voir le film dans son intégralité. Il y a la
gestion des équipes aussi : sur un court c’est une
petite tribu, sur un long métrage, c’est une grosse équipe.
J’ai de la peine à travailler avec un aussi grand nombre
de personnes, il faut changer ses habitudes, on ne peut
pas travailler au même niveau avec tout le monde, donc forcément
on privilégie des relations. Toute la mécanique du cinéma
est vraiment très forte avec le long métrage, ça nous oblige
à un devoir d’excellence encore supérieur au court métrage.
Même si on met tout son cœur dans un film comme L’enfant
au grelot, là on doit se surpasser encore, chercher
encore plus loin. Sinon, c’est une méthode de fabrication
qui n’est pas si éloignée. Un long métrage c’est colossal,
ce n’est pas une baraque que l’on avait à construire mais
une pyramide.
Objectif Cinéma :
Dans La prophétie…,
on retrouve comme dans L’enfant au grelot, la figure
du patriarche au grand cœur et cette thématique de l’abandon,
de la perte des origines, en quoi ces éléments sont essentiels ?
Jacques Rémy Girerd :
Faire des films avec un papa, une maman, deux enfants, un
chien, qu’est-ce qu’on peut faire ? Rien, ça sonne faux.
A partir du moment où un enfant a été adopté, il a déjà
une vie intérieure, il est habité par quelque chose et c’est
déjà formidable. Dans tous les grands contes classiques,
c’est rare que les enfants aient leurs parents parce que
les parents sont des personnes rassurantes qui bloquent
le développement intérieur du personnage. Quand il n’y a
pas les parents, tout est possible. Nemo, c’est pareil :
dès le début du film, il est séparé de son père. On ne fait
pas toujours attention mais toutes les grandes histoires
sont comme ça, il faut mettre les parents de côté, sinon
on ne s’en sort pas. Le but est de créer les conditions
pour que les enfants deviennent des héros.
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Objectif Cinéma :
Et le personnage de Ferdinand,
comment l’avez-vous construit, de qui est-il inspiré ?
Jacques Rémy Girerd :
Dans tous les personnages, on met un peu de soi. J’aimerais
être un Ferdinand quand je serais plus vieux. Dans ce personnage,
j’y ai mis des souvenirs d’enfance, il y a un peu du capitaine
Haddock, un peu de Lino Ventura, de Gabin, des gens que
j’ai rencontré, ainsi qu’un oncle paysan qui m’a fait un
peu pensé à lui. C’est aussi le Père Noël de L’enfant
au grelot, ce vieux bonhomme bourru et tendre qui me
plaît beaucoup et avec lequel je ne crois pas avoir fini.