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  L'Amant (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quelles qualités demande-t-on à un matte-painter ?

At Hoang : Savoir dessiner de façon hyperréaliste, bien connaître la lumière pour le raccord avec la scène filmée. Il y a des sociétés spécialisées en post-production avec des matte-painter professionnels. Moi, j’étais embauché au coup par coup, pour des mattes traditionnels. Progressivement, on a cessé d’en faire, quand on a pu incruster des photos, les retravailler à la palette graphique. A présent, on peint directement à l’ordinateur. Mais même si on utilise plus de pinceaux,  il faut avoir l’œil pour les couleurs, la lumière.


Objectif Cinéma : Dans votre filmographie de chef décorateur, vous n’indiquez que les films à partir de L’amant, tourné en 1991.

At Hoang : A part une ou deux exceptions,  - je préfère ne pas les citer - il fallait bien manger ! Jusqu’à L’amant, les « gros » films n’étaient pas pour moi, je n’avais fait ni architecture, ni les arts-appliqués, ni les Beaux-arts…Par contre, j’étais demandé en tant que peintre, en long-métrage comme en pub. Je préférais être chef peintre que chef déco sur des films sans décor, ou le travail consistait juste à bricoler, faire un peu de peinture, changer un papier peint…C’est ce qu’on me proposait, et je refusais d’avoir trop de responsabilités sur des films pas intéressants ou avec trop peu de moyens.

J’ai aussi été premier assistant sur des films comme Fort Saganne ou Uranus, et chef décorateur sur le seul film non-documentaire tourné en Omnimax : Vite et loin, de Pierre Etaix. Et aussi le seul - à ma connaissance - tourné en studio. J’avais d’abord été appelé pour les mattes, l’angle de vue était 140° horizontal, 110° vertical et le problème était comment éclairer ? Pour cacher les projecteurs, il fallait dessiner un plafond en développement sur un glass, pour qu’il soit sphérique à la projection (2). C’était à la fois complexe et empirique.


L'Amant (c) D.R.
Objectif Cinéma : L’action de L’Amant est située au Vietnam. Avez-vous été choisi aussi pour vos origines asiatiques ?

At Hoang : Certainement, ça a compté. Je parle la langue, et j’étais heureux de retourner travailler dans mon pays. Au départ, j’étais l’assistant de Jean-Jacques Caziot et nous avons fait ensemble les repérages au Vietnam. Le film s’est ensuite arrêté. Quand il a repris, Caziot était parti sur un autre projet et Annaud m’a confié les décors.

Objectif Cinéma : Où ont été tournés les intérieurs, comme cette chambre bleue où se retrouvent les amants ?

At Hoang : Les intérieurs et une partie de rue ont été construits en studio à Paris. Il y a plusieurs décors naturels, comme le restaurant chic tourné dans un pavillon de la Cité Universitaire. Et l’intérieur du paquebot, c’est la salle des pas perdus de l’Opéra de Marseille que l’on aménagé, en rajoutant des panneaux avec des hublots raccord avec le vrai bateau.

Il y a eu un gros travail de reconstitution sur les extérieurs au Vietnam. Le bac au début du film a été entièrement construit sur place, équipé de deux moteurs pour naviguer chargé avec cent personnes, et en tenant compte du courant. Je voulais le relier à deux remorqueurs, pour éviter qu’il dérive. Mais quand Annaud a décidé de filmer la scène avec un 16mm, c’est devenu impossible de les utiliser car ils auraient été dans le champ. Ça fait partie des moments où l’on souhaite que tout se passe bien… Heureusement, les ingénieurs vietnamiens connaissent leur boulot !

Quant à cette chambre qui baigne dans un ton bleu, on m’en a beaucoup parlé, mais c’est avant tout un effet de matière que je recherchais. Trouver une harmonie entre la matière des murs, la peinture, la lumière et le ton intimiste de la scène. On a travaillé comme pour une fresque, en préparant la surface au plâtre, avec de la chaux. La chaux absorbe la lumière au lieu de la refléter. Contrairement à une couche de peinture, même mate, qui dépose une pellicule en surface, sans arriver à cet effet de matière où les reflets sont absents.