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Objectif Cinéma :
Est-ce que vouloir faire
du cinéma était pour vous un moyen de prolonger l’enfance
?
Pierre Richard :
Sans doute, c’est certainement le cas pour tous les acteurs,
avec plus ou moins de force bien sûr. Pour ma part, alors
que j’ai passé ma vie d’enfant en pension religieuse pendant
la guerre, j’ai conscience d’avoir passé ma vie d’adulte
en vacances.
Enfant, je voulais être Johnny Weissmuller dans Tarzan,
vivre dans la forêt. Et maintenant je joue Robinson Crusoe
pendant trois mois : où est le travail ? C’est
un rêve d’enfance que je suis en train de matérialiser !
Il y avait bien sûr sur le tournage une équipe de 40 personnes,
mais pendant trois mois et demi, j’ai « joué à »
Robinson, et j’ai d’ailleurs « joué à » un tas
de personnages dans la vie. Pendant toute une partie de
ma carrière, c’était d’autant moins un travail que j’étais
en pleine adéquation avec moi-même. Je n’avais pas à faire
d’efforts pour rentrer dans le personnage : plus j’étais
naturel et spontané, mieux c’était. Depuis une dizaine d’années,
j’ai envie de faire autre chose et de « faire l’acteur ».
Objectif Cinéma :
Dans votre livre, vous racontez
votre rencontre, sur le tournage d’Alexandre le bienheureux,
avec une « petite dame de la Beauce » qui
doit jouer votre mère. Elle doit juste s’écrier « Ne
pars pas à la guerre mon fils !» et le fait
en pleurant, avec une justesse sidérante...
Pierre Richard :
C’était le fait d’une énorme innocence, d’un premier degré
comme on aimerait en avoir plus souvent. Mais il ne faut
pas exagérer non plus, si elle avait dû jouer Madame Marguerite
ou Lady Macbeth, elle n’aurait pas pu. Le métier compte
quand même ! Mais pour des petits rôles simples
comme celui-ci, tout le monde peut le faire, dès lors qu’il
n’y a pas de réflexion et que la personne est faite pour
ce qu’on lui demande de faire. Si on demande à un barman
de jouer un rôle barman, il le fera très bien et si on lui
donne un texte qui correspond à un texte de barman, il va
le faire formidablement bien aussi. Sauf s’il se braque…
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Objectif Cinéma :
Sauf si le texte est mal
écrit aussi…
Pierre Richard :
Oui, si on lui demande de dire des choses qu’il ne dirait
jamais en tant que barman…Mais là c’est l’auteur qui se
plante ! Jouvet disait : « Dans la vie,
tout le monde est comédien, à part quelques acteurs » !
Objectif Cinéma :
Vous parliez de l’innocence de cette dame dans Alexandre
le bienheureux. Comment réussir à garder son innocence
en tant qu’acteur ?
Pierre Richard :
Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend. Certains sont
doués pour ça… Enfin, est-ce un don pour autant ?
Peut-être… En tout cas une manière de voir la vie, essayer
de voir les choses avec des yeux d’enfant. Cela ne doit
pas non plus prendre de trop grandes proportions pour éviter
de confiner à la naïveté… Certains perdent très vite les
vertus de l’enfance et de l’innocence, d’autres ne les perdent
pas. Nous les acteurs, nous les perdons moins par notre
capacité à nous évader, mais les hommes d’affaires, qui
étaient peut-être merveilleux de spontanéité à quinze ans,
perdent totalement leur innocence en devenant PDG. Je ne
connais pas non plus d’hommes politiques innocents. C’est
le contraire même… Sinon ils ne seraient pas hommes politiques !