La Gazette du Doublage :
Comment vous glissez-vous dans le rôle
alors que vous ne disposez que de votre voix pour cela ?
Jean-Pierre Michael :
Ce n'est que le résultat d'une expérience artistique développée
au fur et à mesure qui nous permet de nous connaître et de nous
"supporter". Je me souviens qu'après ma première
pub (j'ai commencé par faire des pubs parallèlement au théâtre),
j'étais désappointé par le grain de ma voix. Il m'a fallut l'apprivoiser
lentement, la maîtriser, la canaliser, petit à petit.
Les cours de théâtre ne suffisent pas à tout cela. Seul le
temps et l'empirisme introspectif m'ont permis de pouvoir jouer
de cet organe de la façon désirée. C'est un métier où si l'on
veut progresser, il faut se regarder, s'analyser et se perfectionner
sans arrêt. Je ne crois pas aux acteurs aboutis, c'est la démarche
d'une vie et ceux qui s'arrêtent pourrissent sur place. C'est
le danger...
La Gazette du Doublage :
Essayez-vous de coller au maximum à la voix et aux intonations
de l'acteur ou introduisez-vous également une touche personnelle
?
Jean-Pierre Michael :
Je ne peux coller à la voix ni aux intonations exactes d'un
acteur. Je prends ce qu'il me donne, et je réinterprète.
Il y a donc plus qu'une touche personnelle dans tout doublage,
il y a ré-incarnation dans les limites que vous a fixé l'acteur
original (cri, pleurs etc..) On a pas le droit de trahir,
mais on doit faire vivre ce qui n'est pas encore, donc acte
de création !
La Gazette du Doublage :
Quelles sont, pour vous, les scènes
les plus difficiles à doubler ?
Jean-Pierre Michael :
Plus aucune maintenant.
La Gazette du Doublage :
Lorsque vous prêtez votre voix,
vous concentrez vous sur le personnage ou bien sur l’acteur
qui l’incarne ? Qu’est-ce qui est le plus important pour
le doubleur, l’acteur ou le rôle ?
Jean-Pierre Michael :
L'acteur sans aucun doute puisque j'analyse sa démarche,
ses trucs et son évolution psychologique. Nous avons tous,
suivant notre formation, nos inspirations et notre talent,
une façon de jouer et de développer une scène. Mais nous
connaissons les "trucs" utilisables, intéressants
surprenants etc.
L'acteur ne devient passionnant que s'il emploie ces possibilités
de façon surprenante, amusante. Il les détourne, joue avec
etc. Voilà pourquoi il faut décoder, avant tout, l'acteur
et son code de jeu. Certains ne surprennent jamais, d'autres
ne cherchent que le contre pied !