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                  Objectif Cinéma : 
                     Parlons enfin de Blanche 
                    Neige Lucie (1997), le court-métrage de Pierre Huyghe 
                    où Lucie Dolène, qui a prêté sa voix en 1962 au personnage 
                    de Blanche Neige pour la version française du dessin animé 
                    de Walt Disney, chante l’inoubliable mélodie « un 
                    jour mon prince viendra » et explique, en sous-titres, 
                    le procès qu’elle a intenté à la firme Disney pour avoir réutilisé 
                    sa voix sans lui reverser de droits. Dans ce film, ce que 
                    dit le son, c’est à la fois le bonheur et la magie, le pouvoir 
                    d’évocation de l’enfance de ce personnage merveilleux qu’est 
                    Blanche Neige. Et ce que dit l’image, c’est un personnage 
                    doublement en lutte. Lucie est en lutte de par son histoire, 
                    pour récupérer ses droits. Et elle est aussi en lutte parce 
                    qu’elle a vieilli et que les notes les plus hautes lui sont 
                    désormais difficiles à atteindre, elle fait d’ailleurs une 
                    petite grimace. Et ce qu’on retient, malgré cette pénibilité, 
                    c’est la beauté de ce film, de ces quatre minutes. Je me suis 
                    alors dit : « si on ne retient de ce film que 
                    la beauté et le merveilleux, n’est-ce pas parce que le son 
                    a pris définitivement le pas sur l’image ? » 
                    Là, n’est-on pas au cœur de ta proposition ? 
                     
                    Laurent Ghnassia : Oui, 
                    et en même temps il y a une troisième lutte, essentielle, 
                    que je trouve magique, c’est que Lucie est en position d’interview, 
                    et que sa voix est prisonnière du personnage de Blanche Neige : 
                    Pierre Huyghe la met en représentation, il la recase dans 
                    ce personnage. En fait, on ne voit pas Lucie à l’image. On 
                    lit Lucie, mais on ne la voit pas. On voit Blanche Neige. 
                    Et ce sont des frissons d’enfance qui ressortent, quelque 
                    chose qui traverse le temps. Car la voix de Blanche Neige 
                    ne s’oublie pas. Elle est ancrée en nous à jamais. 
                     
                    Lucie, elle, est encore prise au piège de ce personnage, et 
                    sa voix également. Et son discours, du coup, ne peut plus 
                    être dit. Par le sous-titre, il ne devient qu’image dans l’image. 
                    Elle est dans une sorte de grève de la parole, elle n’utilise 
                    plus sa voix pour dire ce qu’elle a à dire, pour être elle-même, 
                    sa voix appartient encore totalement au personnage de Blanche 
                    Neige, et elle est en lutte pour se la réapproprier : 
                    « C’est ma voix quand même ! ». 
                     
                    Quand j’ai vu ça, j’ai cru que Lucie avait deux voix. Les 
                    sous-titres que je lisais, je les matérialisais dans sa bouche, 
                    et je croyais que la chanson était une chanson de fond, en 
                    post-production, qui n’était pas chantée par elle. C’est comme 
                    s’il y avait deux images et deux sons qui étaient à l’œuvre 
                    dans ce film. A la fois l’image de Lucie et l’image mentale 
                    de Blanche Neige, qui est présente, ne serait-ce que par le 
                    son. Son personnage apparaît, il se dessine dans notre esprit 
                    rien que par l’audition de la chanson. 
                     
                    
                   
                    
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