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Objectif Cinéma :
Qu’est-ce qui vous a poussé
à l’enlever ce personnage d’Inès ? Elle change pourtant
du tout au tout le regard que l’on porte sur Simon...
Emmanuel Bourdieu
: C’est vrai. Je crois que Simon s’est beaucoup protégé,
dans sa vie en général et, bien entendu, dans sa vie sentimentale.
On sent bien qu’il est avec Inès dans une relation très
réservée, un peu distante, et sans lendemain. Il ne veut
pas s’engager. Mais être avec cette fille est en un sens
ce qu’il a de mieux dans sa vie, sa mère n’étant pas quelqu’un
de très bénéfique pour lui, même si elle ne doute pas agir
pour le bien de son fils…
Enlever le personnage d’Inès a eu quelques répercussions
sur l’ordre des séquences. Je pense que la version télé
cherchait à être plus efficace, son rythme est différent :
le film prend du temps alors que le téléfilm accélère. Aux
deux tiers du film, il y a deux politiques possibles :
soit on prend du temps, on diffère, on ralentit pour attaquer
plus fort dans le bal, qui est plus dramatique dans le film
que dans le téléfilm ; soit, au contraire on accélère
et la scène du bal est dans la foulée. On ré-attaque avec
Inès et ça ne va pas s’arrêter jusqu’à la fin. Bon, là,
je parle comme si c’était un film d’action ! Ça n'est
évidemment pas le cas, mais pourtant, en question de rythme,
c’est un peu ça…
Objectif Cinéma
: Un mot sur le montage :
le film s’ouvre sur des séquences d’entretien et des images
d’archives et le propos est plutôt documentaire. Le téléfilm
a une entame plus fictionnelle avec la main de Lucas (Denis
Podalydès) qui hésite au-dessus de la jupe d’Isabelle (Natacha
Régnier) : on est d’emblée, et de façon très forte,
dans l’ordre du désir et du trouble.
Emmanuel Bourdieu :
Oui, c’est ce que je préfère dans le téléfilm. Comme le
début d’un autre film... Comme vous dites, on entre totalement
dans la fiction, et même dans le côté irréel de ce bal.
On donne cette note dramatique dès le début. Et puis on
est sur une fausse piste : on croit presque à des amours
adultères. Il me semble qu’au début, on se dit que cet homme
et cette femme ont une relation adultère, avec d’un côté
la femme qui demande : « il faut qu’on fasse
le pas, il faut se séparer des deux autres ». Et
l’homme qui résiste parce qu’il est plus frileux qu’elle
et ne veut pas sortir de cette relation-là.
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Objectif Cinéma
: Pourtant l’hésitation de
Lucas à remettre la robe d’Isabelle en place laisse plutôt
penser que rien ne s’est passé entre eux…
Emmanuel Bourdieu
: J’ai beaucoup hésité à mettre cette séquence dans la voiture.
En même temps, ça a un tel pouvoir romanesque, cette femme
qu’il a à portée de main et à laquelle, de toute évidence,
il est sensible. J’aimais bien ce geste, intuitivement. Mais
je suis d’accord qu’en toute rigueur de scénario, le trouble
aurait été encore plus grand. Si je n’avais pas montré ce
geste, la mauvaise piste aurait été encore plus apparente.
Son hésitation montre, c’est vrai, qu’il ne s’est encore
rien passé. Mais au cours du bal, on voit bien à leur façon
de danser qu’ils se connaissent très bien, il y a une sensualité,
une familiarité physique… Mais vous avez raison, la fausse
piste n’est pas entière…