Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Moebius (c) D.R.

Objectif Cinéma : Au fur et à mesure de sa progression, ton film se rapproche de l’univers de Moebius, celui d’Edena et de l’Incal, cette interaction entre une quête de soi, qui mène a son propre inconscient. Que pense Moebius du film ?

Jan Kounen : Il l’a vu trois fois. L’Incal est très inspirant. Il y a 25 ans, Moebius a vécu une expérience chamanique au Mexique avec des champignons hallucinogènes, il a cru mourir… Et sa manière de partager son expérience a été de dessiner.

Au cours de l’adaptation de Blueberry, la découverte du chamanisme m’a permis de changer beaucoup de choses. Il ne faut pas voir le film comme étant seulement la BD Blueberry adaptée au cinéma. Il faut prendre en compte la totalité de l’œuvre de l’artiste. C’est une éducation de la perception qui m’a fait devenir cinéaste avant de m’emmener vers les mondes chamaniques.

Moebius était mon dessinateur fétiche, lorsque j’étais aux Arts Déco. Il y a des similitudes entre sa vie et la mienne. Un truc fort ! Je pense aussi qu’il aime le film par rapport à son vécu. C’est une histoire de génération, je me considère comme un enfant de Métal Hurlant, de Moebius, ou encore de Jodorowsky. Tout en développant ma propre perception, je me sens avoir une vision de la réalité identique à celle de ces auteurs. Autrement dit s’interroger, se questionner sur ce que l’on nous apprend. L’intelligence d’un individu, c’est sa capacité à se remettre en cause, et remettre en question la culture dont il est issu.


Objectif Cinéma : Et douter ?

Jan Kounen : Oui, douter de la justesse de sa vision du monde, ou, en tout cas, de prendre conscience un moment, à un moment donné, que si on se comporte comme si ou comme ça, c’est parce qu’on l’a vraiment considéré. C’est à chaque génération d’interroger cela.


  Blueberry (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quelles visions, dans la dernière partie du film, as-tu réellement vécu ?

Jan Kounen : Quasiment tout ! Je n’ai jamais vu encore d’organes à travers le corps, mais j’ai ressenti que j’étais un amas d’organes en mouvement…une espèce de biologie, où la moindre émotion émerge d’un mouvement d’estomac. C’est comme cette impression, philosophiquement parlant, d’être face à un miroir et d’enlever sa peau petit à petit, pour regarder ce que tu es ! Cette espèce de squelette vivant organique qui palpite est térrifiant ! Et ce qui est passionnant quand tu le regardes, c’est de voir ton cœur… Ça te fait peur, tu te dis si je continue, je vais le faire exploser, et c’est tout ce rapport entre le corps et l’esprit qui t’apparaît alors !

Au début j’allais comme n’importe quel cinéaste chercher l’inspiration pour faire mon film ! Comme Moebius, allant chercher son inspiration, et qui digère son expérience pendant 20 ans ! Moi, je vais là-bas, je mets le doigt dedans, et le film ne devient plus que l’objet pour ramener ce monde de visions, le partager. C’est un travail d’archéologue de l’invisible, en relation avec les chamanes. Ce sont de vrais explorateurs des mondes de l’esprit.