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Madame Brouette
Objectif Cinéma : Comment s’est passé la sortie au Québec ?

Moussa Sène Absa : On a fait 35000 entrées. Sur tout le Canada, on estime qu’on va faire 60000 entrées, ce qui est bien pour un film africain. Enfin, « africain », je n’aime pas beaucoup ce terme, c’est comme quand on parle de World Music c’est un peu…bancal, parce qu’on met tout ce qu’on veut dedans. C’est une notion qui n’a même pas de contenu culturel. C’est une manière de dire que c’est un cinéma qui n’est pas commercial, qui appartient à une autre partie du monde. Mais où est le centre du monde ? C’est aussi toutes ces notions déviatrices de l’attention des cinéphiles. C’est « world », c’est du « cinéma africain ». Il y a DES cinémas africains ! On ne parle pas de cinéma européen. Au Canada, on parle de cinéma français, de cinéma polonais… et de cinéma africain. Mais l’Afrique c’est immense. 


Objectif Cinéma : Donc vous vous sentez d’abord cinéaste sénégalais ?

Moussa Sène Absa :Je me sens cinéaste sénégalais, mais j’essaie de faire du cinéma à l’échelle mondiale. Je fais des choses universelles pour m’adresser au monde, pas simplement à un petit groupe. Mon cinéma est un cinéma ouvert sur le monde.

Je pense qu’un cinéma se construit sur des idées nouvelles et des talents. Mais il faut d’abord décoloniser nos écrans. Pas seulement pour le cinéma américain, mais aussi pour le cinéma européen.


  Madame Brouette
Objectif Cinéma : Pourrait-il envisager un film qui se fasse entièrement sur financements africains ?

Moussa Sène Absa : C’est possible, mais il faut que ce soit une volonté politique. Au Sénégal, il n’existe pas de structure d’aide. Mais il y a une nouvelle volonté. On nous a promis des choses, et j’espère qu’on y arrivera. Notre cinéma devrait être un cinéma aidé, encadré, parmi les priorités du gouvernement sénégalais, parce que le cinéma c’est une ouverture extraordinaire sur le monde. Il faut aussi considérer les cinéastes comme des entrepreneurs, mais des entrepreneurs culturels, des ambassadeurs qui apportent l’image, la culture d’un pays. C’est capital.

Et en même temps, il faudrait entrer dans une économie de marché. Mais on revient au problème de la distribution, car c’est elle qui apporte les recettes. Ce sont elles qui permettent de faire des films. Quand dans un pays il y a une ou deux salles, vous ne pouvez pas rentabiliser un film. De plus vous avez des coûts de billets inférieurs à un euro. Et puis vous amenez une copie, et au bout de quatre projections elle est inutilisable. Parce que c’est rayé, parce que le matériel de projection marche pas, parce que les salles ne sont pas équipées.

Il y a aussi le problème de sécurité autour des salles. Quelqu’un qui sort en famille n’a pas envie que sa voiture soit rayée par les voyous du coin, de devoir payer des réparations pour une sortie au cinéma. Tous ces problèmes de sécurité empêchent de diffuser notre cinéma à l’échelle nationale.