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  Le silence de la foret (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quelle a été l’implication du gouvernement de la République Centrafricaine ?

Bassek Ba Kobhio : Maintenant que le film est terminé, le gouvernement lui manifeste beaucoup d’intérêt. Le Président de la République a vu le film, il l’a aimé. Si je voulais être pessimiste, je dirais que c’est un intérêt a posteriori et qu’il n’a pas eu d’effet sur la production. Pour être optimiste, c’est un intérêt qui va dans le sens de ce qu’on recherchait au début du film, à savoir que la Centrafrique se sente fière d’avoir ce film.


Objectif Cinéma : D’autres pays africains produisent régulièrement des films. Pourquoi est-ce le premier film en République Centrafricaine ?

Bassek Ba Kobhio : La Centrafrique est un pays qui a beaucoup de problèmes économiques. Le cinéma est quand même un luxe. En France, c’est un luxe accepté comme une nécessité. Chez nous c’est un luxe qui l’est d’autant plus que de nombreux problèmes - santé, école - ne sont pas encore résolus. Ça paraît encore plus fort.

Mais il n’y a pas simplement le manque de moyens : le Burkina Faso est un pays pauvre et enclavé qui a une cinématographie qui marche. Mais en fait le cinéma en République Centrafrique est vraiment loin d’être une priorité.


Le silence de la foret (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quelles ont été les difficultés lors du tournage ?

Bassek Ba Kobhio :
Il y a d’abord les particularités de la Centrafrique, le fait que le pays n’a pas de port par exemple. Il n’existe qu’un vol direct hebdomadaire de Banghi à Paris - où se trouvait le laboratoire. Ça pose des problèmes au niveau de l’expédition du matériel et de la pellicule. Ça complique les choses.

D’autre part, comme le cinéma est très nouveau là-bas, il y a des avantages et des inconvénients. Inconvénients parce qu’il faut tout demander, tout expliquer à tout le monde. Avantages parce que les gens vous aident aussi.

Disons que les conditions ont été très dures. Nous n’étions pas simplement en Centrafrique, nous étions à 200 km de la capitale. Le téléphone était inexistant. Ce sont des problèmes qui ne se posent pas ailleurs. Un réalisateur qui fait un film aux Etats-Unis par exemple se pose la question du coût des communications téléphoniques vers la France. Nous on se demande si on pourra téléphoner, si on pourra soigner les malades… Et on en a eu !


Objectif Cinéma : Quelle était l’origine des techniciens ?

Bassek Ba Kobhio : Le chef opérateur et l’ingénieur du son étaient français. La chef décoratrice était zimbabwéenne. Le chef électricien camerounais. Ça a été un sacré mélange. C’est un autre problème, de ne pouvoir garnir tous les postes avec des techniciens africains. Ça ne veut pas dire que s’il y avait des Africains pour ces postes, je n’irais pas en chercher en France. Mais au moins, on pourrait choisir.

Les contraintes du tournage en 35 mm vous obligent à choisir les techniciens à l’extérieur. Un caméraman sorti d’une école en France et désireux de venir travailler en Afrique ne pourrait pas en vivre. Il faut des opportunités, avoir l’habitude de travailler. Si vous ne tournez pas souvent, vous ne pouvez pas faire la preuve que vous connaissez votre métier. Quand vous êtes réalisateur et que vous passez beaucoup de temps à chercher des financements, évidemment vous tournez moins.

Il faudrait multiplier les opportunités de tournage en Afrique pour que se crée sur place une vraie économie. Le numérique démocratise un peu les choses. Mais je ne crois pas non plus que les Africains soient condamnés au numérique. Cela donne quand même plus d’opportunités de travail.